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histoire de saint augustin.

« La parole a été établie, non pour que les hommes se trompent mutuellement, mais pour qu’ils découvrent les uns aux autres leurs pensées »[1]. »

En parlant de la résurrection générale, l’évêque d’Hippone détermine par la comparaison suivante la formation nouvelle de chaque corps : « Si une statue de métal soluble se fondait par le feu, était réduite en poudre ou remise en masse, et que l’ouvrier voulût la refaire avec la même matière, peu importerait quelle partie de la matière serait rendue à chaque membre de la statue, pourvu que la statue reprit tout le métal dont elle avait été composée : de même Dieu, ouvrier merveilleux et ineffable, rétablira promptement notre corps avec tous ses éléments ; il n’importera point, pour sa formation nouvelle et entière, que les cheveux retournent aux cheveux, les ongles aux ongles, et que chaque parcelle qui aura péri se change en chair : il suffira que, grâce à la Providence du divin ouvrier, le corps reparaisse sans mauvaises disproportions[2]. » Pour ce qui est des peines éternelles, Augustin admet la possibilité de mitigations[3].

Il est bon d’avertir que le Manuel à Laurentius n’a rien de commun avec un autre Manuel faussement attribué à l’évêque d’Hippone, et qui est l’œuvre de Hugues de Saint-Victor.

Après le livre adressé au chef des notaires de l’Église de Rome, se présente un autre livre qu’on peut appeler une inspiration touchante, œuvre d’un intérêt doux et triste, qui enseigne les devoirs des funérailles, le culte des tombeaux, et, en même temps, élève l’esprit bien au-dessus des régions du sépulcre : c’est le livre sur le Soin à donner aux morts[4], composé en réponse à une lettre de saisit Paulin de Nole. Augustin et Paulin, âmes tendres et d’une exquise sensibilité, devaient mieux que d’autres comprendre cette piété pour ceux qui ne sont plus, ce besoin d’être utile aux proches et aux amis, après même qu’ils ont disparu de la vie.

Une dame d’Afrique, Flora, qui était veuve, ayant perdu son fils au pays de Nole, avait prié saint Paulin de permettre qu’on l’ensevelît dans une église ; une autre mère avait obtenu que le corps de son fils, appelé Cynégius, reposât dans la basilique de Saint-Félix, à Nole. À cette occasion, Paulin écrivit à l’évêque, d’Hippone pour lui demander s’il pouvait servir de quelque chose à un mort d’être enterré dans une église ; il pensait, quant à lui, que les soins de ses parents religieux et fidèles ne devaient pas être inutiles, et que la coutume universelle de l’Église de prier pour les : morts ne pouvait pas être vaine. La réponse ; d’Augustin fut admirable.

L’évêque d’Hippone commença par dissiper ; un doute de saint Paulin fondé sur ce passage de l’Apôtre : « Nous paraîtrons tous devant le tribunal du Christ, pour que chacun soin jugé selon les choses qu’il a faites par sont corps, soit le bien, soit le mal. » Ces paroles de saint Paul établissent la nécessité des œuvres personnelles pour mériter ou démériter aux ; yeux de Dieu ; on ne saurait en conclure l’inutilité de la prière pour les morts ; elles prouvent seulement que le pieux souvenir donné aux trépassés ne leur profitera qu’autant qu’ils, l’auront mérité durant leur vie.

Augustin rappelle que les livres des Macchabées[5] parlent d’un sacrifice pour les morts. Si rien de pareil ne se rencontrait dans les antiennes Écritures, ce ne serait pas peu de chose que la coutume du prêtre catholique priant il l’autel pour les trépassés. Nous laisserons aux païens la croyance que les âmes qui n’ont pas reçu les honneurs de la sépulture ne passent point le sombre fleuve ; la sépulture du corps : ne fait rien à la destinée de l’âme : que de corps de chrétiens la terre n’a point couverts ! Ces fidèles n’auront pas perdu le ciel pour cela ; Dieu, qui remplit la terre de sa présence, saura bien trouver et ressusciter les corps perdus à travers l’espace. Les obsèques solennelles sont plutôt des consolations pour les vivants que des secours pour les morts ; les funérailles du pauvre couvert d’ulcères, emporté par à anges dans le sein d’Abraham, sont plus illustres devant Dieu que les pompeuses funérailles du mauvais riche et le marbre de son monument. Mais si la destinée de l’âme humaine n’est point soumise au soin qu’on prend du corps après le trépas, il faut se garder de mépriser les corps des morts, vases et organes de l’esprit pour toutes les bonnes œuvres. Le vêtement, l’anneau paternel est cher aux en-

  1. Et utique verba propterea sunt instituta, non per quae se homines invicem fallant, sed per quae in alterius quisque notitiam cogitationes suas perferat.
  2. Ch. 89.
  3. Sed paenas damnatorum certis temporum intervallis existiment, si hoc eis placet, aliquatenus mitigari. Chap. 112.
  4. De cura pro mortuis gerenda. Liber unus.
  5. II, xii, 43.