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histoire de saint augustin.

la plus glorieuse c’était de n’avoir entretenu aucun commerce avec les mortels. Mais les rayons du soleil et de la lune touchent la terre, et la pureté de leur lumière n’en reçoit aucune atteinte. Apulée et les platoniciens nous apparaissent sur ce point en contradiction avec les enseignements éminemment spiritualistes de l’école de Platon. Que deviendrait, d’après leurs idées, cette belle parole de Plotin : « Il faut fuir vers la radieuse patrie où l’on trouve le père de l’univers et avec lui toutes choses ; et pour y fuir, il faut devenir semblable à Dieu. »

Les anges ou démons qui sont les dieux de Platon, placés au-dessous du Dieu créateur et moteur universel, ne peuvent rien pour mener les hommes à la félicité infinie. Il est déraisonnable et impie de les adorer comme des dieux ; Platon s’est trompé sur leur nature quand il a réclamé un culte pour eux. Quelle félicité pourrait être apportée aux hommes par les démons, eux qui sont d’immortels condamnés, des bannis de la céleste patrie ! L’adoration des hommes doit monter vers Dieu seul. Toutefois, ne croyez pas que Dieu ait besoin des sacrifices qu’on lui offre ; il n’a besoin ni de nos offrandes ni de notre justice : tout ce culte n’est utile qu’à l’homme qui le rend. Revient-il quelque chose à la source d’eau de ce qu’on en boit, ou au soleil de ce qu’on le regarde ?

Selon les remarques de l’évêque d’Hippone, démon vient d’un mot grec qui signifie science. Il y a dans cette étymologie quelque chose d’effrayant pour l’esprit de l’homme. La science toute seule serait donc un mal. Donnons à la science humaine un but moral et sublime, et regardons-la comme un moyen de monter à Dieu.

Augustin, comme d’autres Pères de l’Église, a cru reconnaître dans Platon, interprète admirable des traditions les plus antiques, quelques traces du Dieu en trois personnes ; les études philosophiques les plus récentes, les plus sérieuses, les plus profondes nous laissent voir que rien n’est plus incertain que la Trinité de Platon. Au temps d’Augustin, les platoniciens étaient encore nombreux ; ils reculaient devant le mystère du Verbe incarné, médiateur entre Dieu et les hommes. L’évêque d’Hippone trouve la nécessité de la grâce établie dans les écrits de Platon lui-même. « On ne saurait, disait le philosophe, atteindre à la perfection de la sagesse ici-bas, mais la Providence de Dieu et sa grâce peuvent suppléer à ce qui manque à notre vie intellectuelle. » Augustin, combattant les doctrines de Porphyre, montre le peu qu’auraient eu à faire les philosophes de son école pour arriver à la vérité révélée.

Le saint vieillard Simplicien, successeur de saint Ambroise sur le siège épiscopal de Milan, disait à Augustin qu’il avait connu un platonicien plein d’admiration pour le début de l’Évangile de saint Jean : « Au commencement était le Verbe, etc. » Ce platonicien eût voulu que le début évangélique fût écrit en lettres d’or sur les endroits les plus éminents des églises. Une des raisons pour lesquelles les platoniciens refusaient d’entrer dans le christianisme, c’est que le christianisme renfermait beaucoup de choses dont leur maître n’avait rien dit ; ils n’admettaient pas le mystère du Verbe incarné, parce qu’ils ne le rencontraient point dans les enseignements de Platon ; mais l’évêque d’Hippone leur fait observer que les philosophes de cette école n’ont pas toujours donné l’exemple d’un scrupuleux respect pour les idées du maître : il cite Porphyre, qui avait changé bien des points importants dans la doctrine de Platon.

Les dix premiers livres de la Cité de Dieu atteignent toutes les opinions, toutes les pensées, tous les efforts contraires à la cité céleste, c’est-à-dire à la vérité, à l’ordre éternel, à Dieu ; les livres suivants sont consacrés à l’origine, au développement et aux fins dernières des deux cités du ciel et de la terre. Nous continuerons à nous en tenir aux idées générales, aux traits saillants, aux aperçus qui se détachent.

L’évêque d’Hippone établit qu’on ne peut arriver à la connaissance de Dieu sans Jésus-Christ, que la foi chrétienne conduit l’homme à Dieu par l’homme-Dieu, et qu’il fallait un être à la fois Dieu et homme pour nous mener infailliblement au but auquel nous aspirons : : on va à Jésus-Christ parce qu’il est Dieu, on va par Jésus-Christ parce qu’il est homme.

De tous les êtres visibles, le plus grand c’en le monde, comme de tous les invisibles, le plus grand c’est Dieu. Mais nous voyons le monde et nous croyons en Dieu.

La triple division de la philosophie est une image de la Trinité ; on l’a divisée d’un commun accord en physique, logique et morale.