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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/125

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des gémissements et des prières que nous inspirent ces mêmes tristesses. C’est pourquoi, honorable servante de Dieu, et digne de louanges dans le Christ, j’approuve et je bénis tout ce que votre lettre renferme de tristesse, de vigilance et de prudence contre ces hommes ; et, puisque vous me le demandez, je vous exhorte, selon mes forces, à persévérer dans cette voie ; gémissez sur ces méchants avec la simplicité de la colombe, mais tenez-vous en garde contre eux avec la prudence du serpent[1]; travaillez, autant que vous le pourrez, à retenir dans la vraie foi ceux qui vous sont unis, et à ramener ceux qui seraient tombés dans quelque erreur.

3. Je rectifierais votre doctrine sur l’humanité qu’a prise le Verbe de Dieu lorsqu’il s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous[2], si j’y trouvais quelque chose de contraire à la vérité. Mais vous n’avez qu’à continuer à croire que le Fils de Dieu, en se faisant homme, a pris toute notre nature, c’est-à-dire une âme raisonnable et une chair mortelle sans péché. Il a participé à notre infirmité, et non pas à notre iniquité, afin que, par cette infirmité commune à tous les hommes, il nous délivrât de notre iniquité et nous amenât à sa justice, buvant la mort qui lui venait de nous et nous offrant à boire la vie qui venait de lui. Si vous avez quelque écrit de ces gens-là, où ils soutiennent quelque chose de contraire à cette foi, veuillez me l’envoyer, afin que, non-seulement nous exposions notre foi, mais encore que nous réfutions leur erreur. Sans doute, ils s’efforcent d’appuyer leur sentiment pervers et impie sur des passages des divines Écritures ; il faut leur prouver qu’ils ne comprennent pas bien le sens de ces lettres sacrées écrites pour le salut des fidèles : semblables à des homme : qui se feraient des plaies graves avec des instruments de chirurgie destinés à guérir et non pas à blesser. J’ai beaucoup travaillé et je travaille beaucoup encore, autant que Dieu m’en donne la force, pour combattre diverses erreurs. Si vous désirez avoir mes ouvrages, envoyez quelqu’un pour les copier Dieu a voulu que vous puissiez le faire aisément, en vous donnant tout ce qu’il vous faut pour cela.

LETTRE CCLXV.


Saint Augustin répond à une dame chrétienne qui lui avait signalé les opinions d’un novatien qu’elle connaissait ; la secte farouche des novatiens n’admettait pas à la pénitence après le baptême. On sait que le chef de cette secte fut un prêtre ambitieux et fanatique qui se déclara contre l’élection de saint Corneille ; l’antipape Novatien n’avait pas de génie et a laissé peu de traces.

AUGUSTIN ÉVÊQUE À SÉLEUCIENNE, PIEUSE ET HONORABLE SERVANTE DE DIEU DANS L’AMOUR DU CHRIST, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je me réjouis des bonnes nouvelles que vous me donnez de votre santé, et je réponds sans retard à ce qui fait le sujet de votre lettre. Et d’abord j’admire que ce novatien puisse prétendre que saint Pierre n’a pas été baptisé, puisque, d’après ce que vous m’aviez écrit auparavant, il disait que les apôtres avaient été baptisés. Je ne sais pas comment il compte établir que saint Pierre seul ne l’aurait pas été ; c’est pourquoi je vous envoie une copie de votre lettre, dans la crainte que vous n’en ayez point : faites attention que je réponds à ce que votas m’avez envoyé ; si celui qui a écrit sous votre dictée n’a pas mal compris ou s’il n’a pas inexactement écrit, j’ignore comment le même homme peut dire que les apôtres ont été baptisés et que saint Pierre ne l’a pas été.

2. En ce qui touche la pénitence de saint Pierre, il faut prendre garde de croire que l’Apôtre l’ait faite à la manière de ceux qu’on appelle proprement des pénitents dans l’Église. Qui souffrira qu’on mette sur la même ligne le prince des apôtres ? Il se repentit d’avoir renié le Christ, comme le témoignent ses larmes ; il est écrit qu’il pleura amèrement[3]. Mais alors les apôtres n’avaient pas encore été affermis par la résurrection du Seigneur et par la descente du Saint-Esprit qui vint le jour de la Pentecôte ; Jésus-Christ n’avait pas encore soufflé sur leur face comme il le fit après sa résurrection, quand il leur dit : « Recevez le Saint-Esprit[4]. »

3. Il pourrait donc être dit avec vérité que les apôtres, lorsque Pierre renia le Christ, n’étaient pas baptisés ; car ils avaient reçu le baptême de l’eau mais non le baptême de l’Esprit-Saint. C’est ce que leur disait Notre-Seigneur, conversant avec eux après sa résurrection : « Jean baptisé dans l’eau, mais,

  1. Mat. 10,16
  2. Jn. 1,14
  3. Mat. 26,75
  4. Jn. 15,2