vous prévenir par cette lettre, afin que vous m’adressiez les questions qu’il vous plaira, mais aux conditions marquées plus haut. J’attends ces questions, car je ne voudrais pas m’exposer à un discours inutile en m’efforçant de vous enseigner ce que vous sauriez déjà. Mais tenez pour certain que, lors même que vous pourriez apprendre de moi quelque chose de bon, votre maître véritable sera toujours ce Maître intérieur que vous écouterez dans votre âme ; c’est lui qui vous fera reconnaître la vérité de ce que je vous aurais dit ; car celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose, mais tout vient de Dieu qui donne l’accroissement.
LETTRE CCLXVII.
Quoique la lettre de votre Sainteté ne soit qu’une réponse, je crois pourtant devoir vous écrire encore. Car vous déplorez ce voyage de la terre qui mène à l’éternelle joie des saints ; vous préférez, et vous avez raison, le désir de la céleste patrie où les distances ne nous sépareront plus, mais où nous serons réunis dans l’heureuse contemplation d’un même Dieu. Vous êtes heureuse de vous entretenir pieusement de la pensée de ces divines choses, plus heureuse de les aimer, et vous serez plus heureuse encore quand vous aurez le bonheur de les obtenir. Mais considérez attentivement par où il est vrai de dire que nous sommes séparés les uns des autres : est-ce parce que nous cessons de voir nos corps, ou parce qu’il n’y a plus entre nous cet échange de sentiments et d’idées qui s’appelle un entretien ? Je crois que, malgré de lointaines séparations, si nous pouvions connaître mutuellement nos pensées, nous serions bien plus les uns avec les autres, que si, silencieusement assis dans un même lieu, nous nous regardions sans nous rien dire et sans aucune expression extérieure de ce qui se passerait dans nos âmes. C’est pourquoi vous comprenez que chacun est bien plus présent à lui-même que nul ne l’est à un autre, parce que chacun se connaît mieux qu’il n’est connu de personne : ce n’est pas en regardant notre visage, car, sans un miroir, on ne se voit pas ; mais c’est en regardant le fond de notre âme, et nous pouvons le voir, même avec les yeux fermés. Quelle vie que la nôtre, même en la regardant par le côté où elle semble avoir du prix !
LETTRE CCLXVIII.
1. Je connais et j’ai éprouvé votre attachement pieux à Notre-Seigneur Jésus-Christ ; dans la confiance que m’inspire cette pensée, j’ose vous demander, quoique absent, ce que souvent vous faites pour moi, quand je suis auprès de vous. Et du reste, je ne vous quitte jamais en esprit ; ce n’est pas seulement parce que je sens le parfum qu’exhalent vos bonnes œuvres par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais c’est encore parce que vous ne permettez pas que moi, qui vous sers dans l’Évangile, je demeure dans la détresse.
Notre frère Fascius, débiteur de dix-sept sous d’or, s’est trouvé fort pressé par ses prêteurs ; il ne pouvait pour le moment les satisfaire ; craignant qu’on ne mît la main sur lui, il a cherché asile dans la sainte église. Les gens chargés de le poursuivre, obligés de partir et ne voulant accorder aucun délai, sont venus m’accabler de leurs plaintes ; ils demandaient que je leur livrasse Fascius, ou que je me misse en mesure de payer sa dette. J’ai proposé