Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/201

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Ad. Parfaitement complets. — Aug. Allons, montre-moi maintenant où sont les verbes, ou sont les noms ? — Ad. Les verbes son plaît et déplaît ; et les noms, évidemment, si et puisque. — Aug. Il est donc suffisamment prouvé que ces deux conjonctions sont également des noms. — Ad. Très — suffisamment prouvé. — Aug. Pourrais-tu par toi-même appliquer la même règle aux autres parties du discours ? — Ad. Je le puis.

Chapitre VI. Signes qui se désignent eux-mêmes.

17. Aug. Allons plus loin et dis-moi si à tes yeux tous les noms sont des mots et tous les mots des noms, comme toutes les paroles sont des noms et tous les noms des paroles ? — Ad. Réellement je ne vois pas qu’il y ait entre eux d’autre différence que la différence de son. — Aug. Pour le moment je suis de ton avis, quoique plusieurs voient aussi une différence dans la signification. Maintenant il n’est pas besoin d’examiner ce sentiment. Tu remarques sans doute que nous sommes arrivés aux signes qui se désignent mutuellement, sans autre différence que celle du son, et qui se désignent eux-mêmes avec toutes les autres parties du discours. — Ad. Je ne comprends point. — Aug. Tu ne comprends pas que le mot désigne le nom et que le nom désigne le mot, et qu’il n’y a entre eux que la différence de son, quand le nom est pris dans un sens général ? car le nom est pris dans un sens particulier quand on le considère comme une des huit parties du discours, à l’exclusion des sept autres. — Ad. Je comprends. — Aug. Mais c’est ce que j’ai dit en affirmant que le mot et le nom se désignent réciproquement.

18. Ad. J’y suis. Mais qu’as-tu voulu faire entendre ici : Car ils se désignent aussi eux-mêmes avec les autres parties du discours ? — Aug. N’avons-nous point vu précédemment que toutes les parties du discours peuvent s’appeler des mots et des noms, c’est-à-dire être désignées par le nom et par le mot ? — Ad. Oui. — Aug. Et si je te demande comment tu appelles le nom lui-même, c’est-à-dire le son produit par cette syllabe, ne pourras-tu me répondre : le nom ? — Ad. C’est juste.— Aug. Est-ce ainsi que se désigne lui-même cet autre signe que nous exprimons par ces quatre syllabes : Conjonction ? car ce nom ne figure point au nombre des mots qu’il désigne. — Ad. C’est exact. — Aug. J’ai donc eu raison de dire que le nom se désigne lui-même avec tous les autres noms qu’il comprend ; et tu peux sans moi en dire autant de tout mot. — Ad. C’est désormais chose facile. Mais il me vient à l’esprit que le nom se prend en général et en particulier, tandis que le mot ne se prend point pour l’une des huit parties du discours. Voilà entre eux une différence nouvelle et autre que la différence de son.

Aug. Crois-tu que nom et voix aient entre eux d’autre différence que la différence du son propre à chaque langue, à la nôtre et à la langue grecque ? — Ad. Ici, je n’en vois point d’autre. — Aug. Nous voici donc arrivés à des signes qui se désignent eux-mêmes, et qui ont entre eux une signification différente, et qui : ont aussi entre eux la même signification, et qui enfin ne diffèrent que par le son ; car nous venons de découvrir ce quatrième signe, il s’agit dans les trois autres du nom et de la parole. — Ad. Nous y voilà bien arrivés.

Chapitre VII. Résumé des chapitres précédents.

19. Aug. Veux-tu résumer ce que nous avons découvert dans cet entretien ? — Ad. Je le ferai autant que je le pourrai. Je me souviens d’abord que nous avons recherché pourquoi le langage, et nous sommes convenus qu’il est destiné à instruire ou à rappeler des souvenirs. En effet, lorsque nous interrogeons quelqu’un, notre unique but est de lui faire connaître ce que nous désirons savoir. Quant au chant, il paraît provoqué par le plaisir, et n’est pas un langage proprement dit. Comme nous ne pouvons avoir l’idée d’apprendre ni de rappeler à Dieu quoi que ce soit, lorsque nous le prions, nos paroles n’ont d’autre but que de nous exciter nous-mêmes, d’exciter ou d’enseigner autrui.

Après qu’ensuite il a été constaté que les paroles ne sont que des signes, et qu’il ne peut y avoir de signe dans ce qui ne désigne rien, tu m’as proposé de travailler à montrer ce que signifie chacune des paroles du vers suivant

Si nihil ex tanta superis placet urbe relinqui

Quoique le second mot de ce vers soit très usité