Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/203

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n’en avons découvert aucun qui ne se désigne lui-même en désignant les autres. Voilà tout ce que j’ai pu me rappeler. J’en suis persuadé, tu n’as rien avancé dans cet entretien, que tu ne le saches avec certitude. Vois donc si j’ai fait un bon résumé.

Chapitre VIII. Utilité de cette discussion ; il faut, pour répondre, appliquer l’esprit a ce que rappelle le signe.

21. Augustin. Ta mémoire a reproduit assez fidèlement tout ce que je demandais ; et pour te l’avouer, je vois à l’heure qu’il est ces distinctions beaucoup plus clairement qu’au moment où, dans le travail de la discussion, nous les tirions ensemble de je ne sais quelles retraites obscures. Mais où doivent nous conduire tant de laborieux détours ? Il est difficile de le dire ici. Peut-être penses-tu que nous jouons et que nous détournons l’esprit des choses sérieuses pour l’appliquer à des questions d’enfants, ou bien que nous n’avons en vue que de légers et médiocres avantages ; peut-être encore, si tu soupçonnes que nous devons arriver à quelque résultat considérable, aspires-tu à le voir ou au moins à l’apprendre au plus tôt. Crois-le bien ; nous jouons peut-être, mais il ne faut pas apprécier ce que nous faisons, à la manière des enfants, car je n’ai pas établi dans cet entretien des divertissements futiles, et les avantages que j’en attends ne sont ni légers ni médiocres. Si néanmoins je te disais que c’est à cette vie bienheureuse et en même temps éternelle que je désire, sous la conduite de Dieu, c’est-à-dire de la vérité même, que nous parvenions en faisant ces petits pas proportionnés à notre faiblesse ; peut-être te semblerais je ridicule et tu demanderais pourquoi je n’étudie pas les choses plutôt que les signes en entrant dans cette voie royale. Tu me pardonneras donc de préluder avec toi, non pour jouer, mais pour exercer les forces et la pénétration de l’esprit : nous en avons besoin pour soutenir, pour aimer la lumière et la chaleur de ces régions célestes, où réside la vie bienheureuse.— Ad. Continue plutôt comme tu as commencé. Dieu me garde à jamais de juger méprisable ce que tu estimes devoir dire ou faire !

22. Aug. Eh bien ! considérons maintenant les signes qui désignent non pas d’autres signes, mais les choses que nous avons appelées signifiables. Dis-moi d’abord si un homme est un homme. — Ad. Pour le coup, je me demande si tu ne joues pas. — Aug. Pourquoi ? — Ad. Parce que tu crois devoir me demander si un homme est autre chose qu’un homme. — Aug. Ainsi tu croirais que je me joue de toi si je te faisais encore cette question : La première syllabe de ce nom est-elle autre que hom, et la seconde autre que me ? — Ad. Sans aucun doute. — Aug. Mais en réunissant ces deux syllabes on a homme : le nieras-tu ? — Ad. Qui le nierait ? — Aug. Ecoute donc : Es-tu toi-même ces deux syllabes réunies ? — Ad. Nullement. Mais je vois où tu veux en venir. — Aug. Dis-le, mais ne crois pas que je veuille t’outrager. — Ad. Tu veux conclure que je ne suis pas un homme. — Aug. Et après avoir reconnu la vérité de tout ce qui prépare cette conclusion, tu n’as point la même idée ? — Ad. Je ne te ferai pas d’abord connaître mon idée, il faut que j’apprenne auparavant dans quel sens tu m’as demandé si un homme est un homme. Parlais-tu des deux syllabes du mot ou de ce qu’elles signifient ? — Aug. Réponds plutôt dans quel sens tu as entendu ma question : si elle est équivoque, tu as dû le remarquer et ne pas me répondre avant d’être sûr du sens que je lui donnais. — Ad. Que m’importait cette équivoque ? J’ai répondu dans les deux acceptions. Un homme est réellement un homme : car ces deux syllabes ne sont autre chose que ces deux syllabes, et ce qu’elles signifient n’est autre chose que ce qui est.

Aug. Voilà qui est bien pensé. Mais pourquoi n’as-tu pris dans deux sens que le mot homme ? Pourquoi n’as-tu point entendu de la même manière tout ce que nous avons dit d’ailleurs ? — Ad. Aussi bien comment prouves-tu que je n’ai pas pris le reste également dans deux sens ? — Aug. Pour ne point parler d’autre chose, si tu n’avais vu que des syllabes dans toute cette première question, tu ne m’aurais rien répondu, et j’aurais pu paraître ne t’avoir pas interrogé. Mais après m’avoir entendu prononcer les trois mots et répéter le mot homme en disant : Si un homme est un homme, tu as vu dans les deux autres non pas les signes, mais la signification : ce qui le prouve c’est qu’aussitôt tu as cru devoir répondre à ma question avec certitude et confiance. — Ad. C’