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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/116

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en même temps qu’elle nourrit. Figurée dans l’ancien Testament, elle est manifestée dans le Nouveau.
2. A cause de ceux qui l’entendent charnellement, qui demandent à Dieu des récompenses charnelles et ne veulent le servir qu’en considération des biens qu’il y promet, cette loi a mérité que l’Apôtre Paul l’accusât d’engendrer pour la servitude [1]. Pourquoi ? Parce que les Juifs la comprennent d’une manière toute charnelle ; car entendue dans un sens spirituel, elle n’est autre chose que l’Évangile. Elle engendre donc pour la servitude. Qui ? Ceux qui servent Dieu en vue des biens de la terre. En effet quand ces biens leur sont donnés, ils rendent grâces au Seigneur. Leur font-ils défaut ? Ils le blasphèment. En servant Dieu dans l’intention de les obtenir, ils ne peuvent le servir franchement lui-même. Ils examinent ceux qui ne l’adorent point et ils remarquent qu’ils possèdent ce qu’eux-mêmes ambitionnent comme prix de leur religion ; ils se disent alors : Quel avantage de servir Dieu ? Suis-je aussi riche que ce blasphémateur perpétuel ? Je prie et j’ai faim : celui-là blasphème et vit dans l’abondance. Celui qui parle ainsi est un homme, un homme de l’ancien Testament. Mais sous le nouveau Testament, le serviteur de Dieu doit compter sur un nouvel héritage, non sur l’ancien. Ah ! Si tu espères ce nouvel héritage, quitte la terre, foule aux pieds le sommet des montagnes, méprise l’arrogance des superbes. Mais après l’avoir méprisée, après l’avoir foulée aux pieds, sois humble et ne tombe pas de ta hauteur. Écoute ce qu’on te dit. Élève ton cœur, élève-le vers le Seigneur et non contré le Seigneur. Tous les superbes élèvent, leur cœur, mais c’est contre Dieu. Veux-tu que ton cœur soit vraiment élevé ? Élève-le vers le Seigneur. Car si tu le tiens élevé vers le Seigneur, le Seigneur le retient et l’empêche de tomber à terre.
3. Heureux donc, « heureux l’homme que vous avez instruit, Seigneur ! » Je parle, je crie, j’explique. Qui me comprend ? Je le sais : c’est « l’homme heureux que vous avez instruit, Seigneur ; » c’est l’homme à qui Dieu parle au cœur : et celui-là est heureux, même quand je me tais, car « vous l’avez instruit, Seigneur, et vous lui avez enseigné votre loi. » Que vient-il ensuite ? Nous avons chanté encore : « Et vous lui avez enseigné votre loi ; afin de l’adoucir par les jours mauvais, jusqu’à ce que la fosse se creuse pour l’impie. » Celui donc qui est instruit parle Seigneur, celui à qui le Seigneur enseigne sa loi, celui-là s’adoucit au moyen des jours mauvais, jusqu’à ce que la fosse se creuse pour l’impie. Voici ce que c’est. Il y a des jours mauvais. N’est-il pas vrai que, depuis le moment où nous avons été chassés du paradis, nous passons ici des jours mauvais ? Nos ancêtres ont déploré le temps de leur vie, leurs ancêtres avaient aussi gémi sur leur époque. Nul n’a jamais trouvé bons les jours qu’il a vécu. La postérité envie les anciens jours ; la vieillesse aussi avait regretté les temps, dont elle n’avait pas eu l’expérience et qui lui plaisaient parce qu’elle ne les connaissait pas. En effet, le temps présent a toujours des rigueurs ; ce n’est pas qu’on les sente plus vivement ; mais le cœur en est blessé chaque jour. Ne vous arrive-t-il pas souvent de dire chaque année à l’époque du froid, que jamais il n’a fait si froid, que jamais il n’y a eu tant de tempêtes ? Dieu cependant en est toujours fauteur. Mais « heureux l’homme que vous avez instruit, Seigneur, pour l’adoucir durant les jours mauvais, jusqu’à ce que la fosse se creuse pour l’impie. »
4. Il y a des jours mauvais. Les jours mauvais sont-ils ceux que forme le cours du soleil ? Les mauvais jours sont produits par les hommes mauvais ; c’est ainsi presque partout, le petit nombre des bons gémit au milieu de la foule des mauvais. Et les justes mêmes ? Les méchants rendront les jours mauvais. Et les justes ? Sans compter ce qu’ils ont à souffrir des hommes pervers au milieu desquels ils gémissent, ne portent-ils pas aussi en eux-mêmes des jours mauvais Qu’ils rentrent en eux-mêmes, qu’ils s’examinent, qu’ils se considèrent avec attention ; et sans sortir de là ils trouveront des jours mauvais. Ils ne veulent pas la guerre, ils cherchent la paix, et qui ne la cherche pas ? Or quoique personne ne veuille la guerre, quoique tous cherchent la paix, le juste même tourne les regards sur soi et il y trouve la guerre. Quelle guerre, diras-tu ? « Heureux l’homme que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi. » Voici un homme qui me demande quelle guerre le juste souffre en lui-même, enseignez-lui votre loi, faites-lui dire par votre Apôtre : « La chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair [2]. » Et comment rejeter cette, chair si la guerre se déclare, si, ce qu’à Dieu ne plaise, l’ennemi fait invasion ? L’homme fuit et de

  1. Gal. 4, 24
  2. Gal. 5, 17