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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/527

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garde mes commandements ; et je l’aimerai à mon tour : » et parce qu’il aura gardé mes commandements et qu’il sera guéri parce moyen, « je me découvrirai moi-même à lui. »
15. Hélas ! mes frères, si nous ne pouvons comprendre en quoi consiste le regard du Verbe, où allons-nous ? N’exigeons-nous pas trop tôt de le comprendre ? Pourquoi demander qu’on nous montre ce que nous ne saurions voir ? Aussi quand on nous parle de ce regard du Verbe, on nous parle de ce que nous désirons et non pas de ce que nous pouvons contempler. En effet, voir le regard du Verbe, si tu en étais capable, ce serait voir le Verbe même ; le Verbe n’est pas différent de son regard ; autrement il serait d’une nature mélangée et compliquée, double et composée, tandis qu’il est simple, d’une ineffable simplicité. Le regard de l’homme est différent de l’homme même, car le regard peut s’éteindre sans que l’homme vienne à mourir ; mais il n’en est pas ainsi dans le Verbe. Voilà ce que j’annonçais ne pouvoir être compris par tout le monde : encore si le Seigneur accordait à quelques-uns de le comprendre ! Ce qu’il demande de nous, mes frères, c’est que nous reconnaissions au moins que ce regard du Verbe surpasse notre entendement, et comme cet entendement est faible, appliquons-nous à le fortifier, à le perfectionner. Par quel moyen ? Par l’observation des commandements. Lesquels ? Ceux dont il est dit : « Celui qui m’aime, garde mes préceptes. » Quels sont ces préceptes ? car enfin nous voulons grandir, nous fortifier et nous perfectionner jusqu’à voir le regard du Verbe. O Seigneur, dites-nous donc quels sont ces préceptes. « Le précepte nouveau que je vous fais, c’est de vous aimer les uns les autres [1]. » Ainsi donc, mes frères, puisons cette charité à la source abondante d’où elle jaillit ; pénétrons-nous, nourrissons-nous de charité. Saisis pour pouvoir saisir. Que la charité t’engendre, te nourrisse, te développe, te fortifie, te rende capable de voir que le regard du Verbe n’est pas différent de lui-même, que ce regard est le Verbe même. Tu comprendras alors facilement que ces paroles : « Le Fils ne saurait rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père », reviennent à celles-ci : Le Fils n’existerait pas, s’il ne naissait du Père. Assez, mes frères ; en méditant ce que je viens de dire, beaucoup pourront le comprendre ; je pourrais l’obscurcir en le répétant plusieurs fois.


SERMON CXXVII. LA VIE ÉTERNELLE[2].

ANALYSE. – Impossible de nous faire une idée exacte des promesses qui nous attendent dans la vie future. Alors en effet nous vivrons éternellement, nous vivrons sans fatigue et sans souffrance ; nous aurons bien plus encore, nous aurons le bonheur inouï qui consiste dans la vue de Dieu. Car le Fils de Dieu, qui est éternel comme son Père, le Fils de Dieu, dont la voix puissante anime de la vie surnaturelle tous les cœurs qui lui sont dociles, le Fils de Dieu ressuscitera tous les hommes au dernier jour ; il jugera ensuite lui-même les vivants et les morts et accordera aux justes, comme récompense suprême, le bonheur de voir Dieu. Sans doute les pécheurs comme les justes le verront dans son humanité ; mais il n’y aura que les justes pour le contempler dans les splendeurs de sa divinité. – Pourquoi révoquerait-on en doute la réalité de la résurrection des corps ? Dieu ne peut-il aussi facilement rendre la vie à qui l’a déjà eue, que la donner à qui n’en a jamais joui ?


1. Notre espérance, mes frères, ne s’arrête ni à ce temps, ni à ce monde, ni aux jouissances dont se montrent follement épris les hommes oublieux de Dieu. Ce que nous devons savoir d’abord et nous rappeler sans cesse avec un cœur pieux, c’est que nous ne sommes point devenus chrétiens en vue des félicités de la vie présente, mais en vue de je ne sais quel autre bonheur que Dieu nous promet et que nous ne, saurions comprendre encore ; car c’est de ce bonheur qu’il est dit : « Ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est point monté dans le cœur de l’homme, c’est ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment[3]. » Aussi l’homme n’ayant jamais goûté un bonheur si grand, si excellent, si ineffable, nous avions besoin de la promesse d’un Dieu. Non, l’obscurcissement où vit aujourd’hui le cœur humain, ne lui permet

  1. Jn. 13, 34
  2. 1Co. 2, 9
  3. 1Co. 2, 9