Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/549

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que Dieu te couronne. Diras-tu que pourtant tu avais des mérites ? Dieu te répondra : Examine-le bien et tu verras que ces mérites sont encore des dons de ma bonté.
9. Voilà en quoi consiste la justice de Dieu… On dit « le salut du Seigneur[1] », non pour exprimer le salut dont Dieu jouit, mais pour signifier le salut dont il fait jouir ceux qu’il sauve : ainsi la grâce divine méritée par Jésus-Christ Notre-Seigneur s’appelle la justice de Dieu, non pas la justice qui le rend juste, mais la justice qu’il accorde à ceux qu’il rend justes, d’impies qu’ils étaient. Aujourd’hui toutefois il est des hommes qui se disent chrétiens et qui, pareils aux Juifs d’autrefois, ignorent la justice de Dieu et veulent établir la leur ; oui, aujourd’hui même, dans ces temps oit la grâce se montre à découvert, dans ces temps où elle se révèle après avoir été cachée d’abord, dans ces temps où on la voit sur l’aire après quelle a été voilée dans la toison. Je remarque que peu d’entre vous m’ont compris ; je dois au grand nombre de m’expliquer ; je n’y manquerai pas. Un des anciens justes demanda au Seigneur un signe de sa volonté et lui dit : « Je vous prie, Seigneur, d’imbiber de pluie toute cette toison et de laisser sèche l’aire qui l’entoure. » Ce qui arriva : la toison s’humecta et l’aire resta sèche tout entière. Dès le matin Gédéon pressa la toison au-dessus d’un bassin : c’est la figure de la grâce qui coule dans les humbles ; vous savez aussi ce que fit Notre-Seigneur à ses disciples, un bassin à la main. Gédéon demanda un second signe : « Je désire Seigneur, que la toison soit sèche et l’aire imbibée. » Ce qui arriva aussi[2]. Rappelle-toi l’époque de l’ancien Testament. La grâce n’y était-elle pas cachée dans le nuage comme la rosée dans la toison ? Et maintenant, à l’époque du nouveau Testament, considère les Juifs : ils ressemblent à une sèche toison, tandis que l’univers entier, pareil à l’aire de Gédéon, est rempli de la grâce, qui s'.y révèle avec éclat. C’est ce qui nous force à pleurer amèrement ceux de nos frères qui disputent contre la grâce, au moment même où elle se manifeste et se montre à découvert. On pardonne aux Juifs ; mais des Chrétiens ? Pourquoi sont-ils ennemis de la grâce du Christ ? Pourquoi présumer ainsi de vous-mêmes ? Pourquoi cette ingratitude ? Le Christ est-il venu sans motif ? N’avions-nous pas la nature, cette nature que vous trompez en l’exaltant ? N’avions-nous pas aussi la Loi ? Mais « si la justice a été établie par la Loi, dit l’Apôtre, c’est donc en vain que le Christ est mort[3] ? » Ce que l’Apôtre dit de la Loi, nous l’appliquerons à la nature et nous dirons à ces orgueilleux : Si la justice a été établie par la nature, c’est donc en vain que le Christ est mort ?
10. Ainsi nous remarquons en eux ce qu’on a observé des Juifs. Ils ont du zèle pour Dieu. « Je « leur rends ce témoignage, qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non pas selon là science. » – Qu’est-ce à dire : « Non pas selon là science ? » « C’est qu’ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu[4]. » Mes frères, prenez pitié d’eux avec moi. Quand vous rencontrerez de ces esprits, gardez-vous de les cacher, n’ayez pas cette compassion funeste ; oui, gardez-vous de les cacher quand vous en rencontrerez. Réfutez leurs contradictions, amenez-nous les quand ils résistent. Déjà effectivement on a envoyé sur ce sujet les actes de deux Conciles au Siège Apostolique, dont on a aussi reçu les réponses. La cause est finie ; puisse ainsi finir l’erreur ! Aussi les avertissons-nous de rentrer en eux-mêmes ; nous prêchons pour leur faire connaître la vérité et nous prions pour obtenir leur changement. Tournons-nous, etc.

  1. Psa. 3, 9
  2. Jug. 6, 37-40
  3. Gal. 2, 21
  4. Rom. 10, 2-3