Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/571

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mercenaires et peu de pasteurs. Cependant, qu’est-il dit des mercenaires ? « En vérité je vous le déclare, ils ont reçu leur récompense [1]. » Du pasteur au contraire que nous enseigne l’Apôtre ? « Quiconque se tient pur de ces choses, sera un vase d’honneur sanctifié et utile au Seigneur, préparé pour toutes les bonnes œuvres : » non pas pour quelques-unes, mais pour toutes ; « préparé pour toutes les bonnes œuvres[2]. » Voilà pour les pasteurs.
12. Quant aux mercenaires : « le mercenaire prend la fuite lorsqu’il voit le loup rôder autour des brebis. » Ainsi s’exprime le Seigneur. Et pourquoi le mercenaire prend-il la fuite ? « Parce qu’il n’a point souci des brebis. » Par conséquent le mercenaire rend des services tant qu’il ne voit ni loup, ni voleur, ni larron. En voit-il ? Il prend la fuite. Quel mercenaire ne prend pas la fuite, ne sort pas de l’Église, lorsqu’il voit le loup et le larron ? Les loups et les larrons sont nombreux. Ce sont ceux-ci qui montent par ailleurs ? Et quels sont ceux qui montent par ailleurs ? Ceux du parti de Donat qui veulent faire proie des brebis de Jésus-Christ. Ils montent par ailleurs, ils n’entrent point par le Christ, car ils ne sont pas humbles. Ils sont orgueilleux et ils montent. Qu’est-ce à dire, ils montent ? Ils s’élèvent. D’où s’élèvent-ils ? D’un parti, car ils prétendent porter le nom d’un parti. N’étant point dans t’unité, ils sont d’un parti et c’est de ce parti qu’ils montent, qu’ils s’élèvent pour enlever les brebis. Voyez comment ils s’élèvent. C’est nous, disent-ils, qui sanctifions, c’est nous qui justifions, c’est nous qui faisons des justes. Voilà jusqu’où ils montent. Mais qui s’élève sera humilié[3] ; le Seigneur notre Dieu peut les humilier. Le loup désigne le diable. Or le diable et ceux qui marchent à sa suite cherchent à tromper ; aussi est-il dit qu’ils sont revêtus de peaux de brebis et qu’intérieurement ils sont des loups rapaces[4]. Eh bien ! qu’un mercenaire voie quelqu’un mal parler, avoir des sentiments pernicieux pour son salut, faire des actes coupables, et obscènes ; malgré l’autorité qu’on lui connaît dans l’Église, où pourtant il n’est qu’un mercenaire puisqu’il y cherche son intérêt ; ce mercenaire, tout en voyant un homme périr dans son péché, être saisi au gosier et traîné par le loup au supplice, ne lui dira pas : Tu fais mal, et ne lui fera aucun reproche, par égard pour ses propres intérêts.N'est-ce pas fuir quand on voit le loup ? En ne disant pas : Tu fais le mal, ce n’est pas le corps, c’est l’âme qui prend la fuite. Le corps est immobile, mais le cœur s’en va, quand on voit un pécheur et qu’on ne lui dit pas : Tu fais mal, quand on va même jusqu’à s’entendre avec lui.
13. Ne voyez-vous pas souvent, mes frères, monter ici des prêtres et des évêques, et du haut de cette tribune engagent-ils à autre chose qu’à s’abstenir de prendre le bien d’autrui, de faire des fraudes, de commettre des crimes ? Assis sur la chaire de Moïse, ils ne sauraient parler autrement, et c’est plutôt elle qui parle qu’eux-mêmes. – N’est-il pas dit toutefois : « Cueille-t-on des raisins sur les épines et des figues sur les chardons ? » et encore : « Tout arbre se reconnaît à son fruit [5] ? » Comment donc un Pharisien peut-il enseigner la vertu ? Le Pharisien est l’épine ; comment cueillir le raisin sur l’épine ? – Ah ! c’est que vous avez dit, Seigneur : « Faites ce qu’ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font. » – Ainsi vous me commandez de cueillir le raisin sur l’épine, quoique vous ayez dit en personne : « Cueille-t-on le raisin sur des épines ? » – Voici ce que répond le Seigneur : Je ne te commande pas de cueillir le raisin sur des épines ; mais examine, regarde bien s’il n’arrive pas souvent à la vigne, lorsqu’elle court sur la terre, de s’entrelacer dans des épines ? Plusieurs fois, mes frères, nous avons vu des ceps de vigne appuyés sur ces figuiers sauvages qui forment ici des haies épineuses ; ces ceps déploient leurs rameaux, ils les entrelacent dans les épines, et au milieu de ces épines on voit pendre des grappes. Mais est-ce sur les épines qu’on les cueille ou plutôt sur la vigne qui s’y entrelace ? Oui, les Pharisiens sont des buissons épineux ; mais une fois assis sur la chaire de Moïse, la vigne s’attache à eux ; à eux sont suspendues des grappes, d’excellents conseils, de salutaires préceptes. Cueille le raisin, tu ne te blesseras point dans l’épine si tu es attentif à ces mots : « Faites ce qu’ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font. » Leurs actions sont des épines, tandis que leurs discours sont le raisin, mais le raisin produit par la vigne, c’est-à-dire par la chaire de Moïse.
14. Ces mercenaires fuient donc quand ils voient le loup, quand ils voient le larron. Mais, comme je le disais, ils ne peuvent, du haut de cette chaire, que vous répéter : Faites le bien, ne soyez point

  1. Mat. 6, 4
  2. 2Ti. 2, 21
  3. Luc. 14, 11
  4. Mat. 7, 16
  5. Mat. 7, 16