Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/159

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où est notre trésor[1], qui sonde les reins, et voit que loin de nous arrêter au sang et à la chair[2], nous mettons nos délices dans le Seigneur, ce même Dieu dirige le juste dans cette conscience même, où il est présent, où l’œil de l’homme ne pénètre point, mais seulement l’œil de celui qui connaît l’objet de nos pensées et de nos plaisirs. Car le but de nos soucis est le plaisir, et nul dans ses soins et dans ses pensées ne se propose que d’y parvenir. Dieu qui sonde les cœurs voit nos soucis, et il en voit le but ou le plaisir, lui qui sonde aussi nos reins ; et quand il verra que nos soucis, loin de s’arrêter à la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux, ou à l’ambition mondaine, choses qui passent comme l’ombre[3], s’élèvent jusqu’aux joies éternelles que ne trouble aucune vicissitude, ce Dieu qui sonde les reins et les cœurs conduit le juste par la voie droite, Telle œuvre que nous faisons, peut être connue des hommes, si elle consiste en paroles ou en actes extérieurs ; mais notre intention en la faisant, et le but qui nous pousse à la faire, ne sont connus que de Dieu qui sonde les reins et les cœurs.
10. « J’attends un juste secours du Seigneur, qui sauve les hommes au cœur droit[4] ». La médecine a une double tâche, d’abord de guérir la maladie, ensuite de conserver la santé. C’est dans le premier but qu’un malade disait dans le psaume précédent : « Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible[5] ». En vue du second but, nous trouvons dans le psaume qui nous occupe : « Si l’iniquité souille mes mains, que je tombe justement sous les efforts de mes ennemis[6] ». Dans le premier cas, le malade implore sa guérison, et dans le second, l’homme en santé demande à n’être point malade. L’un s’écrie donc : « Sauvez-moi dans votre miséricorde[7] » ; et l’autre : « Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice ». Le premier demande le remède qui le guérira, le second le préservatif contre la maladie. Aussi le premier dit-il : Sauvez-moi, Seigneur, dans votre miséricorde, et le second : J’attends un secours juste du Seigneur, qui sauve l’homme au cœur droit. Dans l’un comme dans l’autre cas, c’est la miséricorde qui nous sauve : dans le premier, en nous faisant passer de la maladie à la santé ; dans le second, en nous maintenant en santé. Il y a dans le premier un secours de miséricorde, puisqu’il n’y a nul mérite chez le pécheur qui désire seulement être justifié par la foi en celui qui justifie l’impie[8] : dans le second, un secours de justice, car il est accordé à celui qui est déjà justifié. Que ce pécheur alors qui disait : Je suis infirme, dise maintenant : Sauvez-moi, Seigneur, dans votre miséricorde ; et que le juste qui pouvait dire : Si j’ai tiré vengeance de ceux qui me rendaient le mal, dise maintenant : J’attends un juste jugement du Seigneur qui sauve l’homme au cœur droit. Car si Dieu nous donne le remède qui guérit notre maladie, combien plus nous donnera-t-il le moyen de conserver la santé ? Car si Jésus-Christ est mort pour nous quand nous étions pécheurs, maintenant que nous sommes justifiés, nous serons, à plus forte raison, délivrés par lui de la colère du Seigneur[9].
11. « J’attends un juste secours du Seigneur, qui sauve l’homme au cœur droit ». Le Dieu qui sonde les reins et les cœurs, donne aussi la droiture au juste ; et par un juste secours il sauve ceux qui ont le cœur droit. Toutefois, il ne donne pas le salut à ceux qui ont la droiture dans le cœur et dans les reins, de la même manière qu’il sonde les reins et les cœurs. Dans le cœur, en effet, siègent les pensées : mauvaises, quand il est dépravé ; bonnes, quand il est droit ; mais aux reins appartiennent les plaisirs condamnables qui ont quelque chose de bas et de terrestre, tandis qu’un plaisir pur n’est plus dans les reins, mais dans le cœur. Aussi ne peut-on pas dire : La droiture des reins, comme on dit : La droiture du cœur ; car où est la pensée, là aussi est la jouissance : cette droiture ne peut avoir lieu que si nous pensons aux choses divines et éternelles. Aussi le Prophète s’écriait-il : « Vous avez mis la joie dans mon cœur, après avoir dit : « La lumière de votre face est empreinte sur nous[10] ». Ce n’est point le cœur, en effet, mais bien les reins qui trouvent une certaine jouissance dans cette joie folle et délirante que nous causent de vaines imaginations, quand les fantômes des choses temporelles, que se forme notre esprit, le bercent d’un espoir vain et passager ; tous ces fantômes nous viennent d’en bas, ou des choses terrestres et charnelles. De là vient que Dieu,

  1. Mt. 6,21
  2. Gal. 1,16
  3. Jn. 2,16-17
  4. Ps. 7,11
  5. Id. 6,3
  6. Id. 7,4-5
  7. Id. 7,5
  8. Rom. 4,5
  9. Id. 5,8-9
  10. Ps. 4,7