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DISCOURS SUR LE PSAUME 131

SERMON AU PEUPLE, EN PRÉSENCE DE SÉVÈRE, ÉVÊQUE DE MILÈVE.

L’ESPÉRANCE EN DIEU.

David porta ta douceur au point d’épargner Saül qui cherchait à le tuer. Ce nom, qui signifie la main forte, fut porté par un guerrier qui détruisit ses ennemis, et qui fut la figure du Christ vainqueur du diable et de ses anges. L’Église qui est le corps, le temple du Christ, combat pour lui ; elle a fait vœu d’être sa cité, d’être habitée par lui. Comme David ne voulait aucun repos avant d’avoir trouvé un lieu pour le Seigneur, et comme s’il cherchait ce lieu en lui-même, ainsi fait tout homme qui enseigne le bien et le pratique. Ainsi en fait-il de tous ceux qui embrassèrent la foi et n’eurent plus qu’un cœur et qu’une âme, tandis que ceux qui cherchent leurs propres intérêts, rencontrent souvent le trouble et les procès. Abstenons-nous donc, sinon de toute possession, du moins de tout attachement aux possessions, de l’amour de nous-mêmes. Tous les biens de cette vie ne sont que te rêve d’un homme qui ne trouve plus rien à sou réveil. Le Prophète appelle tabernacle du Seigneur l’Église militante, et sa maison la Jérusalem du ciel. Cette maison ou l’Église est en Ephrata eu prophétisée, et dans les lieux incultes, chez les Gentils. Nous entrerons chez le Dieu de Jacob afin qu’il nous possède, et non afin de posséder notre héritage que nous dissiperions comme le prodigue. Nous adorerons le lieu où il a reposé ses pieds, c’est-à-dire dans l’humilité, sans croire qu’il nous suffise d’être enfants d’Abraham selon la chair ; car il faut en faire les œuvres, œuvres surtout de charité ; que nos pieds soient affermis par l’humilité.

C’est au Christ de s’élever le premier, et à prendre son repos ; l’Église viendra ensuite, elle qui est l’arche de sa sanctification. Que les prêtres aient la justice, les saints la joie, mais ne détournez pas la face de votre Christ, c’est-à-dire ne laissez pas périr tout Israël, prière qui fut exaucée dans les apôtres, et dans les juifs qui se convertirent à la Pentecôte. Dieu change parfois ses œuvres extérieures, mais jamais ses desseins. Or, son dessein est de mettre sûr le trône de David le Christ qui sortira de lui sans la participation d’aucun homme. Par les enfants des enfants de David, il faut entendre les bennes œuvres de ces enfants, et s’ils sont réellement des hommes, ils ne pourront siéger sur te trône qu’à la condition de garder l’alliance de Dieu. Ce trône sera le nôtre, à la même condition. C’est en Sion que nous reposerons avec Dieu. Les veuves qu’il veut bénir sont les âmes qui ne comptent que sur lui, et l’Église est une veuve que Dieu écoute, mieux que le juge inique de l’Évangile ; les pauvres cernant rassasiés, s’ils ont faim et soif de ta justice ; les riches également, s’ils sont panures dans le même sens. Les prêtres seront revêtus du Christ, tes saints revêtus de joie, tous affermis dans le Christ qui sens sauve et nous gouverne.


1. Il eût été juste, mes bien-aimés, que notre frère, notre collègue dans l’épiscopat, lui que nous voyons au milieu de nous tous, nous fil entendre sa parole. C’est une faveur qu’il ne nous a point refusée cependant, et qu’il n’a fait que différer. J’en donne avis à votre charité, afin que vous soyez avec moi témoins de sa promesse. Mais il n’était point hors de propos que je me soumisse le premier à son injonction. Il m’a arraché, en effet, mon consentement, et a voulu être aujourd’hui mon auditeur, à la condition que je serais ensuite le sien ; car unis par les liens de la charité, nous sommes tous les auditeurs du Maître unique, dont la chaire est dans les cieux[1]. Écoutez donc avec attention le psaume que nous apporte aujourd’hui l’ordre suivi dans nos explications. Il a aussi pour titre « Cantique des degrés », et il est un peu plus long que les autres. Nous nous arrêterons donc seulement quand nous y serons forcés, afin que, si Dieu nous en fait la grâce, nous puissions l’expliquer tout entier. Or, comme vous n’êtes plus ignorants au point que nous devions tout éclaircir, c’est à vous de nous aider, en vous rappelant nos entretiens passés, afin que je ne sois pas forcé de vous expliquer tout, comme si vous l’ignoriez encore. Sans doute, nous devons être toujours nouveaux, parce que le vieil homme ne doit point se glisser en nous ; mais il faut croître, il faut progresser. À propos du progrès, l’Apôtre nous dit : « Bien que l’homme extérieur se détériore en nous, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour[2] ». Que le progrès en nous ne consiste pas à passer de l’homme nouveau au vieil homme, que la nouveauté, au contraire, aille en croissant.
2. « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa douceur, souvenez-vous du serment qu’il fit au Seigneur, du vœu qu’il fit au Dieu de Jacob[3] ». David, ainsi que nous l’apprend l’histoire, était homme, roi d’Israël, fils de Jessé. Il était doux, selon la remarque de l’Écriture

  1. Mt. 23,10
  2. 2 Cor. 4,16
  3. Ps. 131,1-2