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DISCOURS SUR LE PSAUME 133

CONTINUATION DU SERMON PRÉCÉDENT.

Bénir le Seigneur dans ses parvis, c’est se mettre au large par la charité ; le bénir pendant la nuit, c’est le bénir pendant la tribulation ; se tenir debout, c’est persévérer : bénissons-le de la voix, et surtout des œuvres. Ainsi Job le bénit dans la nuit de ses épreuves, et fut victorieux sur son fumier. Il était trempé de la grâce d’Hermon. Le Prophète, après avoir exhorté au pluriel, appelle la bénédiction sur un seul, parce que plusieurs ne font qu’un par la charité : et la charité seule mérite la bénédiction.


1. « Voici le moment, bénissez le Seigneur, ô vous tous qui servez le Seigneur, vous qui vous tenez dans la maison du Seigneur, dans le parvis de la maison de notre Dieu[1] ». Pourquoi ajouter « dans le parvis ? » Le parvis, c’est l’endroit le plus vaste de la maison. Se tenir dans le parvis, c’est n’être point à l’étroit, mais au large en quelque sorte. Demeure au large, et tu pourras aimer ton ennemi, car tu n’aimeras plus ces biens dans lesquels ton ennemi peut te resserrer. Comment sauras-tu que tu es dans le parvis ? Demeure dans la charité et tu es dans le parvis. La charité est toujours au large, la haine toujours à l’étroit. Écoute l’Apôtre : « Haine et indignation, tribulation et détresse dans toute âme de l’homme qui fait le mal[2] ». Que dit-il au contraire de l’ampleur de la charité ? « La charité de Dieu est répandue dans vos cœurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné[3] ». Quand vous écoutez l’effusion, comprenez l’ampleur ; et quand vous entendez l’ampleur, comprenez les parvis du Seigneur et vous aurez une véritable bénédiction du Seigneur, si vous ne maudissez point vos ennemis. Car l’Esprit de Dieu s’adresse à ceux qui souffrent la tribulation, afin qu’ils se glorifient dans ces mêmes tribulations, et leur dit : « Voici le moment, bénissez le Seigneur, vous tous qui servez le Seigneur ». Qu’est-ce à dire, « voici le moment ? » En cette vie. Dès que les tribulations seront passées, il est évident que nous n’aurons qu’à bénir Dieu, comme il est dit : « Bienheureux ceux qui habitent dans votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles[4] ». Ceux qui doivent bénir Dieu incessamment, commencent ici-bas à bénir le Seigneur ; ils commencent au milieu des tribulations, des épreuves, des angoisses, au milieu des adversités du monde, au milieu des embûches de l’ennemi, des fraudes et des assauts du diable. Voilà ce que signifie : « Dès maintenant bénissez le Seigneur, vous qui êtes serviteurs du Seigneur, qui vous tenez debout dans les parvis de la maison du Seigneur ». Qu’est-ce à dire « qui vous tenez debout ? » Qui persévérez. Car il est dit de celui qui fut Archange, qu’« il ne se tint pas debout dans la vérité[5] ». Il est dit au contraire de l’ami de l’Époux : « Cet ami de l’Époux se tient debout et l’écoute, et il tressaille de joie à la voix de l’Épouse[6]. »
2. Donc « ô vous, qui vous tenez dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison du Seigneur, pendant la nuit élevez vos mains vers son sanctuaire, et bénissez le Seigneur[7] ». Il est facile de bénir Dieu pendant le jour, c’est-à-dire, dans la prospérité ; mais la nuit est triste, et le jour est joyeux. Quand tout est bien pour toi, tu bénis le Seigneur. Quand vient au monde le fils que tu as désiré, tu bénis le Seigneur. Quand ton Épouse est délivrée du danger de l’enfantement, tu bénis le Seigneur. Quand ton fils qui était malade est guéri, tu bénis le Seigneur. Mais si la maladie de ton fils t’a fait recourir aux devins et aux sortilèges, alors si ce n’est de la langue, c’est du moins par tes mœurs que tu as maudit le Seigneur, tu l’as maudit par tes mœurs et par ta vie. Ne le glorifie pas de bénir Dieu de la langue, si ta vie est une malédiction contre lui. Comment, diras-tu, ma vie est-elle une malédiction ? Parce que l’on jette les yeux sur ta vie, et

  1. Ps. 133,1
  2. Rom. 2,8-9
  3. Id. 5,3
  4. Ps. 83,5
  5. Jn. 8,44
  6. Id. 3,29
  7. Ps. 133,2