Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/136

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témoin de ce qui se lasse à l’intérieur, il est juge, il t’approuve, il t’aide, il te couronne[1] ; il lui suffit de ta volonté. Si tu le peux, confesse-le de bouche pour être sauvé ; si tu ne saurais, crois dans ton cœur pour être juste. C’est ton cœur qui loue, ton cœur qui bénit, ton cœur qui offre de saintes victimes sur l’autel de ta conscience ; et l’on te répond : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté[2] ».
12. Dieu donc, dans sa toute-puissance, « a fait selon sa volonté toutes ses œuvres dans le ciel et sur la terre » ; mais toi, dans ta maison, tu ne fais point ce que tu voudrais. Pour lui, u il a fait tout ce qu’il a voulu, dans « le ciel et sur la terre » ; toi, fais ce que tu voudras, même dans ton champ. Tu veux bien souvent, et tu ne saurais faire ta volonté dans ta maison. Une Épouse te contredit, des enfants te contredisent, un domestique a souvent l’audace de te contredire, et tu ne fais point ce que tu voudrais. Mais, diras-tu, je fais ma volonté, et je sais châtier quiconque ose désobéir ou contredire. Tu ne fais pas même cela toutes les fois que tu le voudrais souvent tu veux châtier sans le pouvoir faire ; tu menaces quelquefois, et tu es surpris par la mort avant d’avoir mis tes menaces à exécution. Et jusque dans toi-même, fais-tu ce que tu veux ? Mets-tu un frein à tes passions ? Admettons ce frein, empêche-t-il tes passions de se soulever ? Tu voudrais, je le crois, ne ressentir aucun chatouillement de tes passions ; et néanmoins : « La chair se soulève contre l’esprit, et l’esprit contre la chair, de manière que vous ne faites point ce que vous voulez[3] ». Tu me fais donc pas en toi-même ce que tu voudrais : « Mais Dieu a fait tout ce qu’il a voulu dans le ciel et sur la terre ». Puisse-t-il te donner la grâce de faire en toi-même ce que tu voudras ! si lui-même ne te soutient, tu ne feras pas en toi-même ta volonté. Il ne faisait point en lui-même sa volonté non plus, celui qui disait : « La chair se soulève contre l’esprit, et l’esprit se soulève contre la chair, en sorte que vous ne faites point votre volonté » : et en gémissant sur lui-même, il ajoute : « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu, muais je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres[4] » ; et comme, non seulement dans sa maison, non seulement dans son champ, mais pas même dans sa chair et dans son esprit, il n’accomplissait sa volonté, il poussait des cris vers Dieu qui « a fait tout ce qu’il a voulu dans le ciel et sur la terre » ; qui a dit : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera e du corps de cette mort[5] ? » et à qui Dieu dans sa bonté, dans sa douceur, suggéra comme une réponse : « La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur[6] ». Telle est, mes frères, la douceur qu’il faut aimer, la douceur qu’il faut louer. Comprenez que Dieu qui « a fait tout ce qu’il a voulu, dans le ciel et sur la terre », fera aussi en vous ce que vous voulez, et qu’avec son secours vous accomplirez votre volonté. Mais, tant que vous êtes impuissants, confessez votre faiblesse, et quand vous pourrez, criez vers lui ; de la terre où vous êtes abattus, rendez-lui grâces ; une fois debout, ne vous enorgueillissez point. C’est donc le Seigneur qui « a fait sa volonté dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes ».
13. « Lui qui fait venir les nuées des extrémités de la terre[7] ». Nous voyons ces œuvres du Seigneur dans ce qu’il a créé. Des extrémités de la terre, les nuées viennent au milieu, et répandent la pluie : tu ne sais d’où elles sont venues. Donc ce mot du Prophète, « des extrémités de la terre », ou du fond de la terre, ou des alentours de la terre, nous indique de quel endroit Dieu tire les nuées, mais toujours de la terre. « Il résout les tonnerres en pluie ». Sans pluie les tonnerres seraient effrayants, mais ne donneraient rien. « Dieu résout les tonnerres en pluie ». Il tonne et tu trembles ; il pleut, et tu te réjouis. « Dieu donc résout les tonnerres en pluie » : celui qui t’a effrayé, te donne de la joie. « C’est lui qui tire les vents de ses trésors » : c’est-à-dire d’une cause que tu ignores : et toutefois tu dois à Dieu d’être assez pieux pour croire que le vent mie soufflerait point si celui qui l’a fait ne lui en avait donné l’ordre, si le Créateur ne l’avait produit.
14. Voilà donc ce que nous voyons dans la création, et nous en louons Dieu, nous l’admirons, nous le bénissons : voyons ce qu’il fait parmi les hommes en faveur de son

  1. Rom. 1,10
  2. Lc. 2,14
  3. Gal. 5,17
  4. Rom. 7,22-23
  5. Id. 24
  6. Id. 25
  7. Ps. 124,7