Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/139

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le scandale dans l’Église, eût-il le nom de chrétien, celui-là perd son premier-né. Il ne sera plus qu’un infidèle, un homme vide, n’ayant que le nom et le signe ; mais son premier-né est enseveli dans son cœur. C’est au point que si vous lui parlez d’une vie sainte, des espérances de la vie éternelle, de la crainte des flammes inextinguibles, il ricane en lui-même, et, s’il en a l’audace en votre présence, il vous dira d’une lèvre grimaçante : Quel est celui qui en est revenu ? Les hommes parlent comme il leur plaît. Et pourtant il est chrétien ; mais comme il afflige l’Église, son premier-né est mort, sa foi est morte : et cela « depuis l’homme jusqu’à la bête ». Je vous dirai toute ma pensée, mes frères. Le mot d’homme signifie pour moi, dans le sens spirituel, les savants, à cause de l’âme qui est raisonnable, et qui fait l’homme proprement dit ; par la bête, j’entends les ignorants, et qui ont la foi néanmoins, autrement ils n’auraient pas de premiers-nés. Il y a des savants qui affligent l’Église, en faisant des schismes et des hérésies. On ne saurait dès lors trouver en eux la foi, puisqu’ils sont devenus l’Égypte, ou l’affliction pour le peuple de Dieu. Leurs Premiers-nés sont frappés de mort : ils entraînent après eux des troupes ignorantes, et telle est la bête du psaume. C’est donc par l’effort de leur persécution contre l’Église que meurt la foi chez les persécuteurs. Les premiers-nés meurent donc et chez les savants et chez les ignorants ; parce que Dieu a frappé de mort les premiers-nés des Égyptiens, « depuis l’homme jusqu’à la bête ».
19. « Il a envoyé des signes et des prodiges contre toi, ô Égypte, contre Pharaon, et contre tous ses serviteurs[1] ». Ce Pharaon était roi d’Égypte. Écoutez ce nom, et voyez comment le Seigneur en agit ainsi. Dans toute nation le roi est le premier ; or, l’Égypte signifie l’affliction, et Pharaon, la dispersion. L’affliction a donc pour roi la dispersion ; parce que tout homme qui afflige l’Église ne le fait qu’en se dispersant. Ils sont dispersés afin de l’affliger ; car le roi ouvre la marche, elle peuple suit ; la dispersion d’abord, l’affliction ensuite, Écoutez, écoutez bien ces noms, qui sont mystérieux et pleins de sagesse. Pas un seul de ces noms qui ont servi aux vengeances du Seigneur, ne saurait s’entendre en bien.
20. « Il a frappé plusieurs nations, il a tué des rois puissants ». Quels rois et quelles nations ? « Seon, roi des Amorrhéens[2] ». Écoutez ces noms pleins de mystères. Le Seigneur, est-il dit, tua Seon, roi des Amorrhéens. Il le tua sans aucun doute, et puisse-t-il le tuer dans le cœur de tous ses serviteurs, dans toutes les épreuves de l’Église ! Puisse sa main ne cesser de donner la mort à de tels rois et à de tels peuples ! car Seon signifie tentation des yeux, et ces Amorrhéens signifient les cœurs pleins d’amertume. Voyez maintenant si nous pouvons comprendre que les cœurs pleins d’amertume aient pour roi la tentation des yeux. La tentation des yeux n’est autre que le mensonge, qui a une couleur, mais nulle solidité. Mais comment s’étonner que les gens pleins d’amertume aient un roi, et pour roi le mensonge ? Si tout d’abord il y avait dans l’Église du mensonge et de la dissimulation, il n’y aurait point de cœurs amers. Il y a de l’amertume parce qu’il y a de l’hypocrisie. La tentation des yeux vient tout d’abord, l’amertume ensuite ; et c’est dans le démon qu’elle a marché tout d’abord. Car n’est-ce point déjà une tentation des yeux « qu’il se transforme en ange de lumière[3] ? » Que la main du Seigneur tue l’un et les autres ; l’un, afin qu’il ne séduise plus ; les autres, afin qu’ils se corrigent. Car ce roi est mis à mort chez tout homme qui condamne l’hypocrisie, et qui aime la vérité. La main de Dieu ne cesse de faire ces sortes de meurtres. Il le fit à la lettre contre ce prince ; il le fait d’une manière spirituelle et accomplit ce qu’il ne montrait alors qu’en figure. Il mit aussi à mort un autre roi et un autre peuple : « Et Og, roi de Basan ». Quelle impiété chez celui-ci ! Og désigne la fermeture, et Basan la confusion. Un roi qui ferme le chemin vers Dieu est un roi méchant. Voilà ce que fait le diable, qui nous oppose toujours ses inventions, ses idoles, qui se pose lui-même comme nécessaire, au moyen de ses magiciens sacrilèges, de ses augures, de ses aruspices, de ses devins, de son culte démoniaque, et ferme le chemin qui conduit à Dieu. De même que le Christ nous ouvre la voie qui avait été fermée, selon cette parole d’un de ceux qu’il a rachetés : « Grâce à mon Dieu, je traverserai la muraille[4]3 » ; de même le diable

  1. Ps. 134,9
  2. Ps. 134,10-11
  3. 1 Cor. 11,14
  4. Ps. 17,30