Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/223

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œuvres ? Nous en avons assurément ; mais vois ce qui suit : « Nous sommes l’ouvrage de Dieu », nous dit le même Apôtre. Or, en disant que nous sommes l’ouvrage de Dieu, l’Apôtre a-t-il voulu, par ce mot d’ouvrage, désigner cette nature qui fait de nous des hommes ? Nullement ; il est question de nos œuvres. « Cela ne vient pas de nos œuvres », dit-il, « afin que nul ne s’élève »[1]. Mais, sans nous en tenir à des conjectures, écoutons-le : « Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ par les bonnes œuvres ». Ne t’imagine pas faire quelque chose, si ce n’est dans ta malice. Laisse ton œuvre pour n’envisager que l’œuvre de ton créateur : c’est lui qui t’a formé d’abord, qu’il te rétablisse dans ce qu’il t’avait fait, et que tu as détruit. Il a fait que tu sois ; et si tu es bon, c’est lui qui te fait bon. « Opérez votre salut », nous dit-il, « avec crainte et tremblement[2] ». Mais si notre salut est une œuvre qui nous soit propre, pourquoi le faire avec crainte et tremblement, puisque notre œuvre dépend de nous ? Écoute bien cette crainte et ce tremblement. « C’est Dieu qui, dans sa bonté, opère en nous le vouloir et le faire[3] ». Donc avec crainte et tremblement, afin que ce divin ouvrier se plaise à opérer dans les vallées ; car celui qui juge les nations, qui les couvre de ruines, agit en nous comme en s’abaissant. « J’ai médité sur l’œuvre de vos mains ». J’ai donc vu, « j’ai considéré vos ouvrages » ; car il n’est en nous rien de bon qui ne vienne de tous qui nous avez faits.
11. Qu’ai-je fait après avoir vu que toute grâce excellente vient de vous, que tout don partait nous vient d’en haut, descend du Père des lumières, en qui il n’y a ni changement, ni ombre de vicissitude[4] ? À cette vue je me suis détourné du mal que j’avais fait en moi : « Et j’ai tendu mes mains vers vous ». « J’ai étendu », dit le Prophète, « mes mains vers vous, et mon âme, devant vous, est une terre sans eau[5] ». Répandez sur moi votre rosée, afin que je porte de bons fruits. « Car c’est le Seigneur qui répandra la douceur afin que la terre porte son fruit[6] ». « J’ai étendu mes mains vers vous, mon âme est une terre sans eau devant vous », et non devant moi. Je puis en effet vous témoigner ma soif, mais non m’abreuver moi-même. « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau » ; car mon âme a soif du bien vivant[7]. Quand viendrai-je, sinon quand Dieu lui-même viendra ? Mon âme a soif du Dieu vivant, parce que « mon âme est devant vous comme une terre sans eau ». Je vois la mer qui regorge, elle a de grandes eaux qui s’élèvent avec fracas, mais des eaux amères. Voilà que l’eau est séparée, et l’aride paraît[8] ; c’est mon âme, arrosez-la, « car elle est devant vous comme une terre sans eau ».
11. « Hâtez-vous, Seigneur, de m’exaucer[9] ». Pourquoi différer quand je suis altéré, et attiser ainsi ma soif ? Mais si vous retenez vos eaux sacrées, c’est afin que j’y puise plus avidement, que je ne les dédaigne point quand vous les répandez. Si vous ne les retenez que dans ce dessein, donnez-les-moi maintenant ; car « mon âme est devant vous comme une terre sans eau ; hâtez-vous, Seigneur, de m’exaucer, mon esprit est en défaillance ». Puisque mon esprit tombe en défaillance, comblez-moi de votre esprit. Cette défaillance de mon esprit est un motif de m’exaucer plus promptement. Me voilà pauvre d’esprit, donnez-moi le bonheur du ciel[10]. Que l’esprit vive dans l’homme, il y a orgueil, c’est par l’esprit qu’il s’élève contre Dieu. Puisse-t-il être assez heureux pour que cette parole s’accomplisse en lui : « Vous leur ôterez leur esprit, et ils tomberont, et ils rentreront dans leur poussière[11] », afin qu’un humble aveu leur fasse dire : « Souvenez-vous que nous sommes poussière[12] ». Mais après avoir dit. « Souvenez-vous que nous sommes poussière » ; qu’ils disent encore : « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau ». Quelle terre est sans eau plus que la poussière ? Mais « hâlez-vous de m’exaucer, ô mon Dieu o, répandez sur moi votre rosée et votre force, afin que je ne sois plus comme une poussière que le vent soulève de la surface de la terre[13]. « Hâtez-vous de me secourir, ô mon Dieu, mon esprit a défailli ». Ne mettez aucun retard à secourir mon indigence. Vous m’avez ôté mon esprit, afin que dans ma défaillance et en restant dans ma poussière, je puisse dire : « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau » : accomplissez en moi cette autre parole du psaume : « Vous enverrez votre

  1. Eph. 2,10
  2. Phil. 2,12
  3. Id. 13
  4. Jac. 1,17
  5. Ps. 142,6
  6. Id. 84,13
  7. Ps. 41,3
  8. Gen. 1,9
  9. Id. 142,7
  10. Mt. 5,3
  11. Ps. 103,29
  12. Id. 102,14
  13. Id. 1,4