Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/236

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trancher de ce même glaive d’autres engagements, enlever toute chair corrompue, et guérir en tranchant ainsi les membres du Christ. Il est donc un glaive de bonté, ce glaive à deux tranchants, puissant de part et d’autre, par l’Ancien et par le Nouveau Testament, par le récit du passé et par les promesses de l’avenir. Tel est donc le glaive de la bonté ; l’autre est celui des méchants, et leur fait parler vanité, comme c’est par le glaive de la faveur que Dieu nous dit la vérité. Donc « délivrez-moi du glaive des méchants. Quant aux enfants des hommes, leurs dents sont pour eux des armes et des flèches, leur langue est un glaive tranchant[1] ». Délivrez-moi de ce glaive des méchants. Ce que le Prophète vient d’appeler « glaive », il l’appelait tout à l’heure « grandes eaux ». « Délivrez-moi des grandes eaux ». Ce que j’ai nommé grandes eaux, je l’appelle maintenant glaive des méchants. Enfin, après avoir parlé des grandes eaux, il continue : « De la main des étrangers, dont la bouche parle la vanité ». Et pour nous faire comprendre qu’il parle d’eux encore, quand il dit ici : « Du glaive des méchants délivrez-moi », il ajoute : « Délivrez-moi de la main des fils de l’étranger, dont la bouche parle la vanité », comme il l’avait dit plus haut. Et quand il nous dit que leur droite est la droite de l’iniquité, il avait déjà exprimé cette pensée, en nous parlant des grandes eaux. Et de peur que tu ne prennes ces grandes eaux dans un sens favorable, il nous l’exprime de nouveau dans le glaive des méchants. Qu’il vous explique maintenant cette expression : « Leur bouche parle la vanité, leur droite est la droite de l’iniquité ». De quelle vanité a parlé leur bouche ? et comment leur droite peut-elle être la droite de l’iniquité ?
18. « Leurs enfants sont dans leur jeunesse, comme des plants nouveaux[2] ». Il veut montrer ici leur félicité. Écoutez donc, enfants de la lumière, enfants de la paix, écoutez, enfants de l’Église, membres du Christ ; écoutez ce que le Prophète nomme étrangers, fils de l’étranger, eaux de contradiction, glaive du méchant. Écoutez, je vous en supplie vous qui, chaque jour, courez des dangers au milieu d’eux ; qui, au milieu de leurs discours, combattez contre les désirs de votre chair, qui avez à lutter au milieu de ces langues, de ces suppôts de Satan, et dont il se sert contre vous. « Car vous ne combattez plus contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre ceux qui gouvernent ce monde de ténèbres[3] », c’est-à-dire des méchants, Écoutez, afin de vous en séparer ; écoutez, afin de ne point regarder comme la vraie félicité celle que convoitent les hommes faibles ou corrompus. Ce sont bien là, mes frères, les fils de l’étranger, ce sont bien les grandes eaux, c’est bien là le glaive des méchants. Voyez quelle est cette vanité dont ils parlent, et gardez-vous de tenir leur langage, gardez-vous de parler comme eux, de peur de vivre comme eux. « Leur bouche parle la vanité, leur droite est la droite de l’iniquité ». De quelle vanité a donc parlé leur bouche, et comment leur droite peut-elle être la droite de l’iniquité ? Ecoute : « Leurs enfants sont dans la jeunesse, comme des plants nouveaux ; leurs filles sont parées, elles sont ornées comme des temples ; leurs celliers sont pleins, et regorgent deçà et delà ; leurs brebis sont fécondes, on les voit sortir en foule de leurs étables ; leurs bœufs sont gras ; il n’y a ni ruine ni ouverture dans leurs clôtures, ni cri dans leurs places publiques[4] ». N’est-ce donc point là le bonheur ? J’interroge les enfants du royaume des cieux, j’interroge cette race de ceux que Dieu ressuscités pour l’éternité, j’interroge le corps du Christ, les membres du Christ, le temple de Dieu, N’est-ce donc point une félicité que d’avoir des enfants en santé, des filles bien parées, des celliers bien remplis, de nombreux troupeaux, de n’avoir aucune ruine non seulement dans ses maisons, mais jusque dans ses clôtures, de n’entendre dans les places publiques aucun bruit, aucune clameur, mais le repos, la paix, l’abondance, la richesse dans les maisons et dans les villes ? N’est-ce donc point là le bonheur ? Les justes doivent-ils le fuir ? Aucun juste n’a-t-il donc possédé une maison regorgeant de biens, comblée d’un semblable bonheur ? La maison d’Abraham n’était-elle donc point riche en or, en argent, en enfants, en domestiques, en troupeaux[5] ? Jacob, ce saint Patriarche fuyant la face d’Esaü son frère, en Mésopotamie, ne s’enrichit-il point par ses services, et en retournant dans son pays ne rendit-il point grâces à Dieu, parce qu’ayant passé le fleuve avec son bâton, il revenait

  1. Ps. 56,5
  2. Id. 143,12
  3. Eph. 6,12
  4. Ps. 143,12-14
  5. Gen. 12,5 ; 13,2-6