Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/239

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même qui chante ses propres louanges ? Voici donc de quelle manière commence notre psaume. « Je vous chanterai, ô mon Dieu, ô mon Roi ; je bénirai votre nom dans le siècle, et dans le siècle des siècles ». Vous le voyez : le commencement est une louange, et cette louange se continue jusqu’à la fin du psaume. Enfin le titre du psaume est : « Louange à David lui-même ». Or, comme on appelle David, celui qui est venu dans la race de David[1], qui est notre roi, qui nous conduit et nous introduit dans son royaume, louange à David signifie : « louange au Christ lui-même » qui s’appelle David selon la chair, parce qu’il est fils de David ; mais comme Dieu il est le créateur de David, et le Seigneur de David. C’est par là que saint Paul, faisant l’éloge du premier peuple de Dieu, d’où sont venus les Apôtres qui ont cru en Jésus-Christ, et tant d’églises primitives qui ont réalisé dans tant de milliers d’hommes ce que vous venez d’entendre dans l’Évangile à propos de ce riche qui s’en alla tout chagrin ; puisqu’ils vendaient leurs biens et en distribuaient le prix aux pauvres, cherchant ainsi la perfection dans le Seigneur ; pour relever donc la gloire du premier peuple, l’Apôtre parlait ainsi : « Ils ont pour pères les Patriarches, et c’est d’eux qu’est venu le Christ, qui est par-dessus tout le Dieu béni dans tous les siècles[2] ». C’est donc parce que le Christ est né d’eux selon la chair qu’il est appelé David ; mais comme il est aussi par excellence le Dieu béni dans tous les siècles, voilà que « je vous louerai, ô mon Dieu, ô mon Roi ; je bénirai votre nom », dit le Prophète, « et dans le siècle, et dans les siècles des siècles ». Dans le « siècle », signifie peut-être dans le temps, et dans le siècle des siècles, signifie « l’éternité ». Commence donc à louer Dieu dès maintenant, si tu dois le louer dans tous les siècles. Quiconque ne veut point le louer dans ce siècle qui passe, demeurera silencieux dans le siècle à venir. Il est ce qu’il semble nous dire dans les versets suivants.
3. De peur, en effet, que l’on ne comprît autrement cette parole : « Je louerai votre nom dans le siècle[3] », et qu’on ne l’entendît d’un autre siècle : « Je vous bénirai chaque jour », dit le Prophète. Loue donc le Seigneur ton Dieu, et bénis-le chaque jour, et quand chacun de tes jours sera écoulé, quand sera venu le jour sans fin, passe de la louange à la louange, comme on va de vertus en vertus[4]. « Chaque jour », dit-il, « je vous bénirai » ; il n’y aura pas un jour que je ne vous bénisse. Louer Dieu dans vos jours de félicité n’a rien de bien admirable. Mais qu’il arrive des jours tristes, comme c’est l’ordinaire dans les vicissitudes humaines, dans ces scandales sans nombre, dans ces épreuves si multipliées, qu’il arrive quelque chose de fâcheux, cesseras-tu de bénir Dieu ? Cesseras-tu de bénir ton Créateur ? Si tu cesses, tu ne saurais dire sans mensonge : « Je vous bénirai chaque jour, ô mon Dieu ». Si tu ne dois point cesser, quelque chagrin qui puisse t’arriver, tu trouveras alors ton bonheur en Dieu. Car au plus fort de ton malheur, tu pourrais être heureux ; quel que soit en effet le malheur qui t’afflige, il se trouvera aussi un bien qui te réjouira. Or, quel plus grand bien que ton Dieu dont il est dit : « Nul n’est bon que Dieu seul[5] ». Vois, en effet, et comprends à propos de ce bien suprême, combien on peut le louer sûrement, combien il est stable. Qu’il t’arrive en effet quelque bien qui te réjouisse, cela dure un jour, mais le lendemain ce bien qui faisait ta joie est passé. Je suis heureux, dis-tu, voilà une bonne journée ; tu as réalisé quelque profit, tu as été invité ou tu as assisté à quelque festin qui a duré longtemps : un long festin fait ton bonheur, et un autre te plaint de n’en pas rougir. Mais enfin, quel que puisse être ce bien qui fait ta joie, c’est un bien qui passe. Si, au contraire, tu mets en Dieu ta joie, tu entendras l’Écriture qui te dit « Que Dieu soit tes délices[6] ». Ta joie sera d’autant plus solide que celui qui fait ta joie est immuable. Mets ta joie dans l’argent, tu crains le voleur ; mais que. Dieu soit ton bonheur, qu’as-tu à craindre ? Que Dieu ne te soit enlevé ? Nul ne saurait te l’enlever, si tu ne l’abandonnes le premier. Dieu, en effet, n’est point comme cette lumière qui luit dans le ciel. Nous n’en approchons pas quand nous voulons, parce qu’elle rie luit point partout. Notre infirmité nous fait quelquefois goûter un certain plaisir à être en pleine lumière ; tandis que maintenant, pendant l’été, vous nous voyez chercher quelque place où il y ait moins de soleil. Mais

  1. Rom. 1,3
  2. Id. 9,5
  3. Ps. 144,2
  4. Ps. 83,8
  5. Lc. 18,19
  6. Ps. 34,4