Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/240

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si tu t’affermis en Dieu, si tu trouves quelque bonheur dans la lumière de la vérité, tu ne chercheras pas un lieu pour t’approcher de lui ; c’est ta conscience qui s’en approche, et la conscience qui s’en éloigne. Ce qu’a dit le Prophète : « Approchez, et soyez éclairés[1] », s’entend de l’esprit, et non de quelque véhicule ; des affections, et non de nos pieds. Affermi en lui, tu ne craindras aucun souffle brûlant ; son Esprit aura des souffles pour toi, et tu espéreras à l’abri de ses ailes[2].
4. Tu le vois donc ; tu peux chaque jour goûter des délices ; car Dieu ne t’abandonnera point, quelque malheur qui puisse t’arriver. Combien était accablant le malheur de Job ! Quelle soudaineté, combien de malheurs à la fois ! Comme Satan lui enlève tout ce qui semblait faire sa joie, sans la faire néanmoins ! Comme la mort fauche ses enfants ! Et les biens qu’il garde et ceux pour qui il les garde, tout lui est ravi ; mais on ne lui ravit point celui qui avait donné les uns et les autres. Ses enfants ne lui furent enlevés, en ce monde, que pour être, dans l’autre monde, rendus à son amour. Job, toutefois, avait eu lui une autre source de joie, qui lui faisait dire en vérité ce que nous disions tout à l’heure : « Je vous bénirai chaque jour ». Quoique ce jour, où tout avait péri, parut un jour triste, la lumière intérieure en fut-elle obscurcie pour lui ? Il demeura ferme dans cette lumière, et s’écria : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté : comme il a plu au Seigneur, il a été fait ; que le nom du Seigneur soit béni[3] ». Donc il bénit Dieu tous les jours, lui qui le bénit même en des jours si tristes. Le plus court moyen de louer Dieu toujours, de dire en toute vérité et sans déguisement : « Je bénirai le Seigneur en tous temps ; sa louange sera toujours dans ma bouche » ; le meilleur moyen, dis-je, c’est de reconnaître que s’il donne, c’est par miséricorde, que s’il retire, c’est par miséricorde ; c’est de ne point croire que sa miséricorde nous délaisse, ou quand il prévient notre désespoir en nous caressant par ses dons, ou notre mort en nous corrigeant de nos fautes. Bénis-le donc, soit dans ses dons, soit dans ses châtiments. Louer celui qui nous frappe, c’est nous guérir de nos plaies. « Chaque jour », dit le Prophète, « je vous bénirai ». Chaque jour donc, mes frères, bénissez Dieu ; oui, bénissez Dieu quoi qu’il puisse vous arriver. C’est lui qui détournera de vous tout ce que vous ne sauriez supporter. Si tu es heureux, tremble, et ne t’imagine pas que tu ne rencontreras plus de tentation ; sans la tentation il n’y a point d’épreuve ; or, ne vaut-il pas mieux être tenté et approuvé de Dieu que réprouvé sans tentation ? « Et je louerai votre nom dans le siècle, et dans le siècle des siècles ».
5. « Le Seigneur est grand, infiniment louable[4] ». Que pouvait-il dire, en quels termes s’exprimer ? Que n’a-t-il pas renfermé dans cette parole infiniment? Cherche dans ta pensée. Quelle idée te faire de celui qu’on ne saurait comprendre ? « Il est infiniment louable, et sa grandeur est sans borne ». Le Prophète nous dit infiniment, et sa grandeur, en effet, n’a point de borne : de peur qu’en cherchant à le louer, tu ne sois tenté de croire que l’on puisse donner une louange achevée à celui dont la grandeur est sans fin. Loin de toi de te persuader que tu puisses louer suffisamment son infinie grandeur. Puisqu’il n’a point de fin, n’est-il pas mieux de n’en donner aucune à sa louange ? Qu’est-il dit de sa grandeur ? Qu’elle est infinie. Que dit le Prophète, à propos de votre louange, ô mon Dieu ? « Je louerai votre nom dans le siècle, et dans le siècle des siècles ». Comme donc sa grandeur est sans fin, la louange que vous lui décernerez sera aussi sans fin. Car ce n’est point en mourant dans cette chair que tu cesseras de louer le Seigneur. Il est dit, il est vrai : « Les morts ne vous loueront point, ô mon Dieu[5] » ; mais il s’agit de ceux dont il est dit : « Un mort ne confesse point le Seigneur, c’est comme s’il n’était plus[6] » ; et non des morts dont il est dit : « Celui qui croit en moi vivra, bien qu’il ait passé par la mort[7] ». Car « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, n’est point le Dieu des morts, mais des vivants[8] ». Et si tu n’appartiens jamais qu’à lui, tu ne cesseras de le louer. Pourrais-tu craindre qu’après n’avoir vécu que pour lui ici-bas, tu puisses ne point lui appartenir après la mort ? Écoute l’Apôtre qui te donne cette assurance : « Si nous vivons, c’est pour le Seigneur ; si nous mourons, c’est pour le Seigneur ; soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur[9] ». Comment se fait-il que tu sois à

  1. Ps. 33,6
  2. Id. 90,4
  3. Job. 1,21
  4. Ps. 144,3
  5. Id. 113,17
  6. Sir. 17,26
  7. Jn. 11,25
  8. Mt. 22,32
  9. Rom. 14,8