Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/241

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lui, même après ta mort ? C’est qu’il est mort pour te racheter au prix de son sang. Celui dont la mort est ta rançon, peut-il te perdre, toi son serviteur, bien que lu sois mort ? Aussi, après avoir dit : « Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur » ; l’Apôtre a-t-il ajouté, pour nous montrer ce prix inestimable : « Si donc le Christ est mort et ressuscité, c’est afin d’avoir l’empire sur les vivants et sur les morts[1] ».
6. Néanmoins, comme sa grandeur est sans borne, et que nous devons louer celui que nous ne pouvons comprendre (si nous le comprenions, en effet, sa grandeur ne serait pas sans borne ; mais si cette grandeur est sans borne, nous pouvons la comprendre quelque peu, et non dans son immensité), que sa bonté nous soutienne puisque sa grandeur nous dépasse ; jetons les yeux sur ses œuvres, et bénissons l’ouvrier dans ses œuvres, l’auteur dans l’ouvrage, le créateur dans ses créatures. Voyons ce qu’il a fait ici-bas, ce qui nous est connu, ce qui est visible pour nous. Combien d’autres, que nous ne saurions connaître, sont le produit de son immense bonté, de son infinie grandeur ! Quand notre vue pourrait pénétrer jusqu’au ciel, et que du soleil, de la lune et des étoiles, nous la ramènerions sur la terre, car c’est dans cet espace que nos yeux se promènent, pourrions-nous jeter au-delà des cieux, je ne dis pas les yeux du corps, mais les yeux de l’âme ? Louons donc le Seigneur dans ses œuvres, autant que ses œuvres nous sont connues. « Car les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde par tout ce qui a été fait[2]. Une « génération et une génération bénira vos œuvres[3] ». Toute génération chantera vos œuvres. Pour marquer toute génération, le Prophète se sert de cette manière de parler : « Une génération et une génération ». Il ne pouvait marquer en détail toute génération, jusqu’à l’épuisement de toutes les générations ; mais cette répétition du langage reporte la pensée dans l’infini. Cette génération, qui est maintenant dans la chair, qui passera comme elle est venue, bénit les œuvres de Dieu ; après cette génération une autre viendra louer les œuvres de Dieu, et après cette autre, une autre encore, et ainsi combien de générations jusqu’à la fin des siècles. Voilà ce que veut dire le Prophète « Une génération et une génération bénira vos ouvrages ». Ou aurait-il voulu, peut-être, dans cette répétition, préciser deux générations spéciales ? Dans cette génération présente nous sommes en effet les fils de Dieu, et dans l’autre génération nous serons les enfants de la résurrection ; et l’Écriture, qui donne le nom de régénération à la résurrection, nous appelle enfants de la résurrection. « À la régénération », est-il dit, « lorsque le Fils de l’homme s’assiéra dans sa majesté[4] ». De même ailleurs : « Les femmes ne prendront point d’Époux, ni les hommes d’Épouses, puisqu’ils seront les fils de la résurrection[5] ». Donc « une génération et une génération louera vos œuvres ». Maintenant dans cette vie mortelle nous louons les œuvres du Seigneur ; et si nous les bénissons chargés de chaînes, une fois couronnés, comment les bénirons-nous ? Considérons donc les œuvres de Dieu, dans cette génération présente puisque c’est en son honneur que le Prophète a dit : « Une génération et une génération bénira vos œuvres, parce que sa grandeur est sans borne ». Il est bien de considérer vos œuvres, afin de vous bénir, vous qui en êtes l’auteur.
7. « Et ils annonceront votre puissance ». Car ils ne béniront vos œuvres qu’en publiant votre puissance. On propose à des enfants, clans une école, un thème de louanges, et on ne leur propose de louer que les œuvres de Dieu : leur proposer de louer le soleil, de louer la lune, la terre, et, pour descendre à de moindres objets, la rose, le laurier ; tout cela c’est l’œuvre de Dieu que l’on donne à louer, que l’on entreprend de louer, qu’on loue enfin ; on chante les œuvres, on ne dit rien de l’ouvrier. C’est donc dans ses ouvrages que je veux louer le Créateur ; et je n’aime point ces ingrats panégyristes. Comment bénir les œuvres que Dieu a faites, et ne rien dire de celui qui a tout fait ? Eh ! pourrais-tu avoir quelque chose à louer, si Dieu n’était si grand ? Que peux-tu louer dans ces créatures visibles ? Leur beauté, leur utilité, quelque force, quelque puissance que tu y découvres. Mais si leur beauté a pour toi des attraits, quoi de plus beau que celui qui les a faites ? Si c’est leur utilité, quoi de plus utile que l’auteur

  1. Rom. 14,9
  2. Id. 1,20
  3. Ps. 144,4
  4. Mt. 19,28
  5. Lc. 20,35-36