Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/242

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de tant de choses ? Si c’est leur puissance, quoi de plus puissant que celui qui a tout créé, et qui, loin d’abandonner ses créatures, les dirige toutes et les gouverne ? Ce n’est donc ainsi, ô mon Dieu, qu’une génération qui vous bénit dans vos serviteurs, en louant vos œuvres ; elle ne ressemble point à ces parleurs muets, qui oublient le Créateur en louant la créature. Comment donc vous bénit cette génération ? « Ils annonceront votre puissance ». C’est votre puissance qu’ils chanteront en chantant vos œuvres. Quand vos saints, vos fidèles serviteurs, ceux qui vous offrent une véritable louange, ceux qui n’oublient point vos grâces, quand ceux-là chantent les ouvrages de Dieu, quels qu’ils soient, dans ce qu’il y a de plus élevé, comme dans ce qu’il y a de Plus bas, dans le ciel et sur la terre, ils se trouvent eux-mêmes parmi les œuvres qu’ils chantent, puisqu’ils sont au nombre des créatures de Dieu. Car celui qui a tout fait, nous a faits nous-mêmes parmi ses œuvres. Si donc tu viens à louer les œuvres de Dieu, tu te loueras toi-même, puisque tu es l’œuvre de Dieu ; et dès lors, que devient cette parole : « Que ta bouche ne te loue point[1] ? » Voilà donc une manière de te louer sans être orgueilleux : c’est de bénir en toi Dieu, et non pas toi : non parce que tu es tel, mais parce que c’est lui qui t’a fait ; non parce que tu as de la puissance, mais parce que Dieu peut agir en toi et par toi. C’est ainsi qu’« ils vous loueront, Seigneur, et qu’ils annonceront votre puissance », la vôtre et non la leur. Apprenez donc à louer Dieu, mes frères, et en considérant les œuvres admirez l’ouvrier, en lui rendant grâces, et non en vous arrogeant sa gloire. Louez Dieu de toutes ses œuvres, de l’ordre qu’il a établi, des dons qu’il nous a faits.
8. Enfin vois ce qui suit : « Ils chanteront votre puissance, ils parleront de la magnificence éclatante de votre sainteté, ils raconteront vos merveilles. Ils chanteront la terreur de vos prodiges, feront connaître votre grandeur. Ils répandront le souvenir de votre bonté[2] », et de la vôtre seulement. Vois si le panégyriste des œuvres de Dieu détourne sa vue du Créateur pour sa créature ; vois s’il délaisse l’ouvrier pour s’arrêter à l’ouvrage. Il se fait des œuvres comme des degrés pour s’élever jusqu’à lui, et non pour en descendre. Tu ne posséderas jamais l’ouvrier, si tu lui préfères ses œuvres. De quoi te servira d’avoir les œuvres en abondance, si l’ouvrier t’abandonne ? Aime les œuvres, à la bonne heure, mais aime l’ouvrier plus encore ; aime-les à cause de lui. Publie sa puissance, chante l’éclat glorieux de sa sainteté, raconte ses merveilles, publie la terreur de ses prodiges ; car il est tout à la fois aimable et terrible. Ses faveurs ne sont point sans menaces. Sans faveurs, il ne nous encouragerait point, et sans menaces il ne nous redresserait point. Ceux qui vous chantent raconteront donc votre puissance terrible ; vos créatures publieront votre force qui les châtie, qui les redresse par la discipline ; elles la publieront et ne se tairont point. Car elles ne parleront point du royaume éternel, sans parler du feu également sans fin. Car la louange de Dieu te met sur le bon chemin, et doit montrer ce qu’il faut aimer, ce qu’il faut craindre ; ce qu’il faut désirer et ce qu’il faut fuir, ce qu’il faut choisir, et ce qu’il faut rejeter. C’est maintenant le temps de choisir, plus tard celui de recevoir. Chantons donc la puissance de ce qu’il faut craindre. « Et ils raconteront votre grandeur », dit le Prophète. Bien qu’elle soit infinie, bien que cette grandeur ne connaisse point de borne, ils en parleront, ils ne s’en tairont point. Ils raconteront, dis-je, cette grandeur dont nous disions tout à l’heure : « Et votre grandeur qui est sans fin, « ils la raconteront ». Mais comment la raconter si elle est sans borne ? Ils la raconteront, en la louant ; et comme cette grandeur n’a point de fin, sa louange sera également sans fin. Montrons qu’il n’y aura point de fin à sa louange : « Bienheureux », dit le Prophète, « ceux qui habitent votre maison, ils vous béniront dans les siècles des siècles[3]. Et ils raconteront votre gloire » ; cette gloire infinie, « ils la raconteront ».
9. « De leur bouche jaillira le souvenir de vos infinies bontés[4] ». Bienheureux festin ! Que mangeront-ils pour que leur bouche fasse de telles éruptions ? « La mémoire de vos infinies bontés ». Qu’est-ce donc que cette mémoire de vos infinies bontés ? C’est que vous ne nous avez point oubliés, Seigneur, alors que nous-mêmes ne pensions plus à vous. Toute chair avait oublié Dieu ; mais lui n’avait pas oublié son ouvrage. Tel

  1. Prov. 26,2
  2. Ps. 144,5-7
  3. Ps. 83,5
  4. Id. 144,7