Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/244

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opère en nous ; et que la foi lui donne entrée dans notre cœur, en sorte qu’en nous et par nous il y opère le bien. Vois d’où vient le bien que tu fais : « Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ par les bonnes œuvres, afin de marcher dans ces œuvres[1] ». Telle est la douceur de son souvenir envers nous, C’est en la répandant que les prédicateurs tressailliront dans sa justice, et non dans leur propre justice. Mais pour être ce que nous sommes, pour vous louer, pour tressaillir dans votre justice, pour répandre le mémorial de votre inépuisable bonté, qu’avons-nous reçu de vous, ô Seigneur que nous bénissons ? Publions-le, et en le publiant chantons ses louanges.
11. « Le Seigneur est clément, miséricordieux, il est riche de patience et de compassion. Le Seigneur est bon pour tous, sa commisération s’étend sur toutes ses œuvres[2] ». S’il n’en était pas ainsi de Dieu, nous n’aurions rien à demander pour nous. Rentre dans toi-même ; que méritais-tu après le péché ? Que méritait ton mépris pour Dieu ? Cherche si tu trouves autre chose que la peine, autre chose que le supplice. Vois donc, d’une part ce que l’on te devait, et d’autre part, ce que t’a donné celui qui t’a fait ces dons gratuitement. À toi pécheur il a donné le pardon, l’esprit de justification, la charité, l’amour qui est la source de tout le bien que tu fais, et par-dessus tout, il te donnera la vie éternelle, la société des anges. Tout cela vient de sa miséricorde. Cesse de parler de tes mérites : tes mérites eux-mêmes sont les dons de Dieu. « Ils tressailliront dans votre justice . Vous êtes, Seigneur, clément et miséricordieux », vous qui nous avez fait tous ces dons. Vous êtes « patient » : combien de pécheurs ne supportez-vous pas ? « Le Seigneur est clément et compatissant », en accordant la rémission des fautes ; « il est patient », pour ceux qui n’ont point reçu le pardon ; loin de les condamner, il les attend, et dans sa patience il leur crie : « Convertissez-vous, revenez à moi afin que je revienne à vous[3] » ; et dans un excès de patience : « Je ne veux pas la mort de l’impie », dit-il, « seulement qu’il revienne et qu’il vive[4] ». Dieu donc est patient, mais toi, « dans la dureté, dans l’impénitence de ton cœur, tu t’amasses un trésor de colère, pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres[5] ». Car Dieu n’est point patient à supporter le pécheur, au point de ne le frapper jamais dans sa justice. Il a ses temps : aujourd’hui il t’appelle, aujourd’hui il t’exhorte, il attend ton repentir, et tu diffères ? Sa miséricorde est grande, même en ce qu’il a laissé incertain le jour de ta mort, en te laissant ignorer quand tu sortiras de ce monde, afin qu’en pensant chaque jour que tu dois mourir, tu t’empresses de revenir à lui ; c’est là une grande miséricorde. S’il avait marqué à chacun le jour de sa mort, cette assurance aurait multiplié les péchés des hommes. Il nous a donc fait espérer le pardon, de peur que le désespoir ne nous rendît plus pécheurs ; or, dans le péché, nous devons redouter et l’espérance et le désespoir. Voyez d’une part ce que le désespoir fait dire à l’homme sur des fautes à commettre, et ce que l’espérance lui fait dire dans le même sens, et comme Dieu répond à l’un ou à l’autre dans sa sagesse ou sa miséricorde. Écoute le langage du désespoir Puisque je dois être damné, pourquoi ne point faire ce qu’il me plaît ? Écoute le langage de l’espérance. La divine miséricorde est grande ; quand je me convertirai, Dieu me pardonnera mes fautes : pourquoi ne point faire ce qu’il me plaît ? L’un désespère et pèche ; l’autre espère et pèche encore. Ces deux excès sont à craindre, tous deux sont dangereux. Malheur à l’homme qui désespère ! malheur à l’homme qui n’a qu’une fausse espérance ! Quel remède apporte donc la divine miséricorde à ce double péril, à ce double mal ? Que dis-tu, ô toi que le désespoir excite au péché ? Puisque je dois être damné, pourquoi ne pas faire comme il use plaît ? Écoute l’Écriture : « Je ne veux pas la mort de l’impie, seulement qu’il revienne et qu’il vive ». Cette parole de Dieu nous ramène à l’espérance ; mais il faut craindre un autre piège qui est de trop espérer. Quel était donc ton langage, quand l’espérance te poussait au péché ? Au jour de ma conversion Dieu me remettra tous mes péchés, je ferai donc tout ce qui me plaira. Écoute encore la sainte Écriture : « Ne tarde point de te retourner vers le Seigneur, ne diffère pas de

  1. Eph. 2,8-10
  2. Ps. 144,8-9
  3. Zach. 1,3 ; Malach. 3,7
  4. Ez. 33,11
  5. Rom. 2,5-6