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DISCOURS SUR LE PSAUME 146

SERMON AU PEUPLE, PRÊCHÉ PROBABLEMENT A CARTHAGE.

LA VIE DU JUSTE.

Il est bon de chanter des psaumes au Seigneur, qui peut nous récompenser, et s’il n’accorde pas toujours ce qu’on lui demande, c’est qu’il est père et connaît ce qui doit nous être utile. Louer Dieu, ce n’est point simplement chanter en son honneur : le Prophète veut ici un psaume, et le psaume s’exécute sur un instrument de musique, ce qui exige l’action des doigts, et nous figure les œuvres. Une œuvre bonne est donc une louange, et le péché devient un silence ; le tort que l’on médite, un silence aussi. Toute action faite pour obéir à Dieu est donc une louange ; elle est un blasphème dès qu’elle est en dehors des bornes prescrites ; car la louange n’est pas bonne dans la bouche du pécheur, la licence est un ton faux, et Dieu est attentif aux œuvres plus qu’à la voix. L’Apôtre nous dit que nous devons louer Dieu, parce que le Christ est mort pour tous, et le Psalmiste, parce que Dieu bâtit Jérusalem, nous rassemble à la voix des Apôtres, guérit les cœurs brisés par le repentir ; or, ces cœurs brisés qui sont un sacrifice agréable à Dieu, sont les cœurs humbles, qui confessent leurs péchés, les châtient sur eux-mêmes. C’est l’œuvre de la rédemption. Mais la guérison ne sera parfaite que dans l’autre vie. En attendant le Seigneur bande nos plaies, quand il nous redresse par ses préceptes, et – nous aide par ses sacrements, qui sont comme des appareils et qu’il lèvera dans l’autre vie. – C’est Dieu qui compte les étoiles ou les flambeaux qui nous éclairent pour la vie éternelle ; tous ces flambeaux ne sont point marqués cependant pour la vie éternelle, et Dieu appelle par leurs noms ceux qui auront la charité et se tiendront unis à lui.

Dieu est grand, on ne saurait mesurer sa sagesse, qui est le nombre même, la mesure. Nous aurons part à cette mesure immuable, quand nous habiterons Jérusalem. Demandons à Dieu qu’il bande nos plaies, et dans les difficultés de l’Écriture, frappons à la porte avec humilité. Dieu renverse tous ceux que leur orgueil fait regimber. Les Manichéens ont regimbé contre les Écritures, et Dieu les a jetés à terre. Or, la terre pour eux, c’est la chair, et ils n’ont eu sur Dieu que des pensées grossières. Pour arriver au Seigneur, accusons-nous tout d’abord, puis faisons de bonnes œuvres, et nous nous rapprocherons de Dieu en reformant en nous son image que le méchant a effacée ; de là cette expression, qu’il est loin de Dieu. C’est ce même Dieu qui couvre le ciel de nuages, ou ses Écritures de mystères, et prépare à la terre, les pluies de l’intelligence et de la grâce ; qui fait croître l’herbe sur les montagnes, c’est-à-dire qui amène les grands du monde, comme Zachée, à la pratique des bonnes œuvres, qui prépare l’herbe pour les hommes en servitude, ou pour les ministres de l’Église qui ont droit à leur nourriture. Dépensons en bonnes œuvres, au moins la dîme de nos revenus, car nous devons être plus parfaits que les Pharisiens.

Ces petits des corbeaux qui invoquent le Seigneur, c’est nous les fils des Gentils, convertis à la foi. Dieu ne met point ses complaisances dans la puissance du cheval ou dans l’orgueilleux qui lève la tête, ni dans les tabernacles de l’homme, c’est-à-dire dans l’hérésie, mais dans son Église. Espérons en lui, non comme Judas qui douta de sa miséricorde.


1. Nous avons écouté avec attention chanter notre psaume ; mais l’entendre tous, n’était pas le comprendre bus. Quelle attention ne devons-nous pas y apporter maintenant, si, comme je l’espère et le désire, Dieu touché des prières de tous ces auditeurs, nous dévoile ce qu’il y a d’obscur, de manière que votre attention à m’écouter vous soit profitable, et que nul ne s’en retourne sans fruit ? Que dit le psaume en commençant ? « Louez le Seigneur ». Voilà ce qui nous est dit, et non seulement à nous, mais encore à toutes nations. Cette voix que des lecteurs font entendre çà et là, est recueillie par des Églises particulières ; mais la grande voix de Dieu qui domine toutes les autres, ne cesse de nous exhorter à le louer. Or, comme si nous demandions au Seigneur pourquoi nous devons louer Dieu, voyez quelle raison il nous donne : « Louez le Seigneur », nous dit-il, « parce qu’il est bon de lui chanter des psaumes ». Est-ce donc là tout ce qui nous en reviendra ? Louons le Seigneur. Pourquoi ? « Parce qu’il est bon de lui chanter des psaumes ». Je voudrais bien, dira-t-on, louer le Seigneur, mais s’il payait ma louange de quelque récompense. Comment louer gratuitement, ne serait-ce qu’un homme ? On ne loue donc les hommes que dans l’espoir d’une récompense ; mais quiconque loue Dieu, ne saurait-il en attendre aucune récompense, ni demander, ni espérer ? On loue un homme faible et avec espérance ; on loue le Tout-Puissant et il n’aurait rien à donner ? Serait-il impuissant à donner ce qu’on lui demande ? Que peut désirer l’homme, qui ne soit sous la main de Dieu ? Quand on loue un homme, il arrive que l’on désire ce qu’il ne saurait donner. Mais pour Dieu, tu peux le louer en toute sécurité ; nul ne saurait dire qu’il est