Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/28

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lune et les étoiles ? Loin de là. Mais il est au ciel une Jérusalem éternelle, où sont les anges nos concitoyens : c’est à l’égard de ces concitoyens que nous sommes étrangers sur la terre. Dans cet exil nous soupirons ; dans la patrie nous aurons la joie. Or, dans cet exil nous rencontrons parfois des compagnons qui ont vu la cité sainte, et qui nous convient à y courir. C’est avec eux que se réjouit notre interlocuteur, qui s’écrie : « J’ai tressailli de cette parole qui m’a été dite : Nous irons dans la maison du Seigneur[1] ». Que votre charité, mes frères, se rappelle ce qui arrive quand on parle d’une fête des martyrs, et d’un sanctuaire où la foule se rassemble à jour fixe, pour célébrer cette solennité ; ces foules s’encouragent, s’excitent mutuellement : allons, disent-elles, allons ! Et où irons-nous, disent les uns ? À tel endroit, répondent les autres, à tel sanctuaire. Ils se stimulent, prennent feu, peu à peu, ne forment qu’une seule flamme, et cette flamme unique, allumée par les ardentes paroles de chacun, les enlève au sanctuaire désigné, où de saintes occupations les sanctifient. Si donc l’amour sacré peut nous jeter ainsi dans un lieu de la terre quel doit être l’amour qui porte au ciel ceux qui n’ont qu’un même cœur, et qui se disent : « Nous irons dans la maison du Seigneur ? » Courons alors, mes frères, courons, nous irons dans la maison du Seigneur. Courons, ne nous lassons point ; car nous arriverons où il n’y a plus de lassitude. Courons dans la maison du Seigneur, que notre âme se réjouisse avec ceux qui nous tiennent ce langage. Car, ceux qui nous tiennent ce langage, ont vu les premiers cette patrie, et ils crient à ceux qui les suivent : « Nous irons dans la maison du Seigneur » : Courez, hâtez-vous. Les Apôtres l’ont vue, et nous crient : Marchez, courez, suivez-nous, « nous irons dans la maison du Seigneur ». Et que répond chacun de « nous ? J’ai tressailli des paroles que l’on m’a dites, nous irons dans la maison du Seigneur ». J’ai tressailli avec les Prophètes, j’ai tressailli avec les Apôtres. Car tous nous ont dit : « Nous irons dans la maison du Seigneur ».
3. « Nos pieds étaient fermes dans les parvis de Jérusalem[2] ». Tu vois maintenant quelle est la maison du Seigneur, si tu étais en peine de le savoir. C’est dans celte maison du Seigneur qu’on bénit l’architecte de ce palais. Lui-même fait les délices de ceux qui habitent ce palais, lui-même est leur seule espérance, leur bien suprême. De quoi, dès lors, doivent occuper leurs pensées ceux qui courent ici-bas, sinon se figurer qu’ils y sont déjà, qu’ils y sont affermis ? Car c’est beaucoup que se tenir avec les anges, sans éprouver de défaillance. Celui qui en est tombé ne s’est point tenu ferme dans la vérité. Tous ceux qui n’en sont point tombés demeurent fermes dans la vérité[3] ; et celui-là tient ferme qui jouit de Dieu ; mais quiconque veut jouir de lui-même tombera. Quel est celui qui veut jouir de lui-même ? L’orgueilleux. Aussi, celui qui voulait toujours être ferme dans les parvis de Jérusalem a-t-il dit : « C’est en votre lumière que nous verrons la lumière[4] », et non point dans la nôtre. Et encore : « C’est en vous », non pas en moi, « qu’est la source de la vie ». Qu’a-t-il ajouté ? « Que le pied de l’orgueil ne vienne point à moi, et que la main des pécheurs ne m’ébranle pas ». C’est ainsi que sont tombés tous ceux qui commettent l’iniquité ; ils sont bannis, ils n’ont pu demeurer fermes. Si donc ils n’ont pu demeurer fermes, à cause de leur orgueil, élève-toi humblement, afin de dire : « Nos pieds étaient fermes dans les parvis de Jérusalem ». Réfléchis à l’état où tu seras un jour dans cette bienheureuse ville, et bien que tu sois encore en chemin, figure-toi que tu y es arrivé, associe-toi à l’inaltérable joie des auges, qui accomplira en toi cette parole « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous béniront dans les siècles des siècles[5] ». Nos pieds étaient fermes dans les parvis de Jérusalem. De quelle Jérusalem ? car on donne ce nom à une ville de la terre, qui est la figure de la Jérusalem du ciel. Quel avantage de se tenir ferme dans cette Jérusalem qui n’a pu se tenir elle-même, qui est tombée en ruine ? Est-ce donc cet avantage que chanterait l’Esprit-Saint avec ce cœur enflammé d’amour et qui s’écrie : « Nos pieds étaient fermes dans les parvis de Jérusalem ? »[6] N’est-ce point à cette Jérusalem de la terre que le Seigneur disait : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les Prophètes et lapides ceux qui sont envoyés vers toi[7]5 ? » Quel si grand avantage aurait désiré le Prophète, s’il

  1. Ps. 121,1
  2. Ps. 121,2
  3. Jn. 8,44
  4. Ps. 35,10
  5. Id. 12
  6. Id. 83,5
  7. Mt. 23,37