Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/281

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donnes du pain, qui ait soif et à qui tu puisses donner un verre d’eau froide ; vois s’il est un étranger à qui tu puisses donner l’hospitalité, s’il est un malade à visiter, s’il y a des plaideurs que tu puisses concilier[1] ; s’il est un moribond que tu puisses ensevelir. Que feras-tu donc ? « Jérusalem, loue le Seigneur ». Voilà quelle sera ton occupation. De même que l’on écrit sur un titre : Fais-en bon profit, je te répéterai « Jérusalem, loue le Seigneur ».
7. Soyez tous Jérusalem ; souvenez-vous de ce qu’il est dit : « Seigneur, vous réduirez leur image au néant dans votre ville[2] ». Ce sont les hommes qui maintenant font leurs délices de ces vaines pompes, ceux qui ne sont point venus aujourd’hui parce qu’on leur fait une largesse. À qui profite cette largesse ? Qui en supporte le contre-coup ? D’où vient la libéralité ? D’où vient le dommage ? Ce n’est point seulement à ceux qui donnent ces spectacles, qu’ils sont coûteux, mais ils le sont bien plus à ceux qui y mettent leur joie. Aux uns ils coûtent l’or de leurs coffres, aux autres les richesses de justice qui ornaient leurs cœurs. Ceux qui donnent ces spectacles pleurent bien souvent quand il faut vendre leurs terres, et combien doivent pleurer des pécheurs qui perdent leurs âmes ? Quand le Seigneur nous criait dimanche : « Veillez », était-ce donc pour que l’on veillât ainsi aujourd’hui ? Je vous en supplie, ô vous citoyens de Jérusalem, je vous en conjure par la voix de Jérusalem, par celui qui est le Rédempteur, l’architecte, le directeur de Jérusalem, offrez à Dieu pour eux vos supplications. Qu’ils voient, qu’ils comprennent la futilité de ces divertissements, et qu’après avoir été attentifs à ces sortes de spectacles qui font leurs délices, ils soient à eux-mêmes leurs spectacles, et spectacles de tristesse. C’est ce qui est arrivé pour beaucoup, à notre grande joie ; nous-mêmes avons jadis pris part à ces assemblées, à ces folies, Et combien de ceux qu’on voit maintenant, seront un jour chrétiens, et même évêques ? Le passé nous est une garantie de l’avenir : et ce que Dieu a déjà fait nous dit ce qu’il doit faire encore. Que vos prières veillent donc, mes frères, ce n’est pas inutilement que vous gémissez. Ils sont exaucés ceux qui, ayant échappé au péril, implorent le Seigneur en laveur de ceux qui y sont encore engagés, parce qu’ils ont couru les mêmes dangers, et Dieu tirera son peuple de la captivité de Babylone, et il le rachètera, le sauvera, et alors sera parfait le nombre des élus qui portent son image. Mais ils n’y seront point ceux dont le Seigneur doit mépriser et anéantir l’image dans sa ville sainte, parce qu’eux-mêmes ont anéanti son image dans leur cité, c’est-à-dire dans Babylone. Tel est le peuple qui louera Dieu, le peuple qu’annonce par avance son esprit prophétique ; il nous dit de tressaillir dans l’espérance, d’aspirer à la réalité. « Loue de concert le Seigneur, ô Jérusalem ; Sion, bénis ton Dieu ». « Loue de concert », parce que tu es formée d’un grand nombre de citoyens ; « bénis », parce que tu n’es qu’une seule ville. « Nous sommes plusieurs », dit l’Apôtre, « et néanmoins nous sommes un en Jésus-Christ[3] ». Louons donc de concert, parce que nous sommes plusieurs, et louons parce que nous ne sommes qu’un. Nous sommes à la fois, et plusieurs et un seul, parce que celui en qui nous avons l’unité, est toujours un.
8. Pourquoi, dira cette Jérusalem, louer de concert le Seigneur, et moi Sion, pourquoi louer mon Dieu ? Sion n’est qu’une avec Jérusalem. Ces deux noms tiennent à deux causes différentes : Jérusalem signifie vision de la paix, et Sion contemplation. Voyez si ces deux noms désignent autre chose que des spectacles ; que les païens ne s’applaudissent point alors de leurs spectacles, comme si nous n’avions point les nôtres. Quelquefois, quand on ferme le théâtre ou l’amphithéâtre, et qu’il sort de ces gouffres une foule d’hommes corrompus qui ont l’esprit tout occupé de vains fantômes, repaissant leur mémoire de souvenirs non seulement inutiles, mais pernicieux, s’applaudissant de ces plaisirs qui ont une douceur, mais douceur empoisonnée ; ils voient, et même souvent, passer les serviteurs de Dieu qu’ils reconnaissent ou bien à leurs vêtements, ou bien à leur maintien, ou même à leur figure, et ils disent en eux-mêmes : Combien ces gens sont malheureux ! que n’ont-ils pas perdu aujourd’hui ! Prions Dieu, mes frères, de récompenser leur bienveillance ; car ils prennent cela pour un bien. C’est par bonté qu’ils nous plaignent ; mais celui qui aime l’iniquité, hait son âme[4]. Et s’il hait

  1. Mt. 25,35-36
  2. Ps. 72,20
  3. 1 Cor. 10,17
  4. Ps. 10,6