Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/287

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« S’ils n’écoutent ni Moïse, ni les Prophètes ils ne croiront pas quand même quelqu’un ressusciterait d’entre les morts[1] ». De qui dit-il, qu’« ils ont Moïse et les Prophètes ? » De ces frères assurément qui vivaient encore, qui avaient pour se corriger un long espace de temps, qui n’étaient point encore dans ces lieux de tourments. « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent », dit Abraham. Ils ne croient point en eux, « mais ils croiraient si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts. S’ils n’écoutent ni Moïse, mi les Prophètes, ils ne croiront pas même mi celui qui ressusciterait d’entre les morts ». C’est la décision d’Abraham. En quel endroit et de quel endroit Abraham l’a-t-il prononcée ? D’un certain lieu élevé, d’un lieu plein de repos et de joie. Que voyait en élevant les yeux cet infortuné qui souffrait dans l’enfer ? Il voyait aussi dans son sein, c’est-à-dire dans son secret, le pauvre qui tressaillait de joie. Voilà quel est ce tribunal. C’est là qu’habite le Seigneur, puisque Dieu habite dans les saints. Delà vient ce désir que l’Apôtre nous exprime ainsi : « Mourir pour être avec le Christ serait de beaucoup préférable[2] ». Il fut dit aussi au bon larron : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis[3] ». C’est le Seigneur qui est avec Abraham et en Abraham qui a porté cette sentence : « Ils ont Moïse et es Prophètes ; s’ils ne les écoutent point, ils n’écouteraient point non plus celui qui ressusciterait d’entre les morts ». O hérétiques, vous avez ici Moïse et les Prophètes, et vous vivez encore, et vous pouvez encore écouter, et vous pouvez encore vous corriger, dompter votre fureur, et embrasser la vérité : examinez avec vous-mêmes s’il faut en croire Moïse et les Prophètes, qui ont rendu à leur foi de si grands témoignages, quand nous voyons les événements du monde arriver selon leurs prédictions. Pourquoi hésiter encore à en croire à Moïse et aux Prophètes ? Pourquoi cette hésitation ? Attendriez-vous par hasard qu’un homme ressuscité d’entre les morts s’en vienne vous parler de son Église ? C’est ce que voulait le mauvais riche dans l’enfer ; il voulait que l’on envoyât vers ses frères[4] quelqu’un d’entre les morts ; on le reprend de cette exigence parce que Moïse et les Prophètes devaient suffire à ses frères. Sa prière fut vaine, afin que cet exemple vous profitât, et que vous ne fussiez point tourmenté comme lui, pour avoir fait trop tard de vaines prières. Écoutez Moïse et les Prophètes. Que dit Moïse ? « Dans ta postérité seront bénies toutes les nations[5] ». Qu’ont dit les Prophètes ? « Tous les confins de la terre se souviendront, et se tourneront vers le Seigneur[6] ». Et tu viendras me dire encore qu’un homme se lève d’entre les morts, je ne croirai que quand on viendra de là me parler ! Bénie soit votre miséricorde, ô mon Dieu ! vous avez voulu mourir, afin qu’un homme se levât des morts, et cet homme n’est point un homme quelconque, mais c’est la Vérité qui est sortie des enfers. Il pourrait dire la vérité sur les effets, sans être sorti des enfers ; et néanmoins, à cause de ces voix méchantes et ignorantes, il a voulu mourir et se lever d’entre les morts. Que dis-tu, ô hérétique, que dis-tu ? J’écouterai tes raisons, tu n’a plus d’excuses ; quand tu aurais les exigences du riche dans les enfers, voilà que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; daigneras-tu l’écouter lui-même ? Tu as conçu en ta vie le désir de ce riche après sa mort, et voilà que le Christ est revenu des enfers ; ce n’est ni ton père, ni ton aïeul, ils ne sont point ressuscités des morts, ceux qui ont accusé je ne sais qui d’entre nous d’avoir livré les saints livres. Mais accordons qu’ils n’aient point calomnié, qu’ils aient dit vrai. Veux-tu savoir combien cela m’importe peu ? Écoutons ensemble ce qu’a dit celui qui est ressuscité d’entre les morts. À quoi bon tant discourir ? Écoutons, ouvrons l’Évangile, lisons ce qui s’est fait comme s’il s’accomplissait maintenant : remettons sous nos yeux le passé afin de nous mettre en mesure contre l’avenir. Voilà que le Christ ressuscité d’entre les morts se montre à ses disciples. Voici ses noces, il est l’Époux, l’Église et l’Épouse. Cet Époux que l’on disait mort, exterminé, anéanti, est ressuscité plein de vie, le voilà qui se montre aux yeux des disciples, qui se laisse toucher de leurs mains, ils touchent en effet ses plaies, ses meurtrissures qui leur avaient fait perdre l’espérance. Il se fait voir à leurs yeux, et en le touchant des mains ils le prennent pour un esprit, car ils ont perdu tout espoir qu’il pût être sauvé. Il les exhorte, les affermit dans la foi « Touchez et voyez, car un esprit n’a ni chair,

  1. Lc. 16,19-31
  2. Phil. 1,23
  3. Lc. 23,43
  4. Id. 16,27
  5. Gen. 22,18
  6. Ps. 21,28