Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/290

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elle doit s’étendre. Je parle toutes les langues, et j’ose bien vous dire : Je suis parmi les membres du Christ, dans l’Église du Christ ; si le corps de Jésus-Christ parle toutes les langues, je suis aussi dans toutes les langues ; je parle grec, je parle syriaque, je parle hébreux, je parle la langue de tous les peuples, parce que je suis dans l’unité de tous les peuples.
20. L’Église donc, mes frères, a commencé par Jérusalem, pour se répandre dans toutes les contrées. Qu’y a-t-il de plus clair que ces témoignages de la loi, des Prophètes, et du Seigneur lui-même ? Partout retentissent les voix des Apôtres qui rendent témoignage à notre espérance dans l’unité du corps de Jésus-Christ. Tressaillez d’être parmi le froment, supportez l’ivraie, gémissez sous le fléau, aspirez au grenier. Viendra le temps où nous nous réjouirons dans Jérusalem, dont Dieu aura fortifié les barrières. Qu’il entre, celui qui doit y entrer. Quiconque doit y entrer au grand jour, n’entre point ici sous un déguisement. Celui qui entre ici à la dérobée, demeure au-dehors ; le voilà dehors, sans le savoir : le van le lui montrera, les serrures le lui apprendront. Quiconque est maintenant à l’intérieur, vraiment à l’intérieur, y sera là d’une manière inébranlable ; celui qui est ici-bas à l’intérieur, et en souffrance, y sera là dans la joie. Car les confins de Jérusalem sont la paix, puisque Dieu u a établi la paix « sur ses frontières ». Nous aspirons maintenant à la paix que nous ne possédons qu’en espérance. Qu’est-ce, en effet, que cette paix que nous avons en nous-mêmes ? « La chair conspire contre l’esprit, et l’esprit contre la chair[1] ». Est-il un seul homme pour jouir d’une paix parfaite ? Or, quand un seul homme aura la paix parfaite, elle sera parfaite aussi pour tous les citoyens de Jérusalem. Or, quand sera-t-elle parfaite ? Quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruption, ce corps mortel, revêtu d’immortalité[2] ; nous aurons alors une paix entière, une paix parfaite ; rien dans l’homme ne se soulèvera contre l’âme, ni elle-même contre elle-même, puisqu’elle ne sera plus meurtrie ; elle ne souffrira ni de la fragilité de la chair, ni des nécessités du corps, ni de la faim, ni de la soif, ni du froid, ni de la chaleur, ni de la fatigue, ni de l’indigence, ni d’aucune querelle, ni même des soucieuses précautions d’éviter un ennemi et de l’aimer. Tout cela, en effet, mes frères, conspire contre nous-mêmes ; la paix est loin d’être entière, d’être parfaite. Ces cris que vous poussiez tout à l’heure, au nom de la paix, viennent du désir que vous en avez : c’est le cri d’une âme qui a besoin, mais non qui est satisfaite ; car la justice ne sera parfaite qu’avec la paix parfaite. Maintenant nous avons faim et soif de la justice « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés[3] ». Comment seront-ils rassasiés ? Quand nous jouirons de la paix. C’est pourquoi, après ces paroles : « Il a établi la paix dans tes confins » ; le Prophète ajoute : « Et il te rassasie de froment », parce que nous serons rassasiés sans éprouver aucun besoin.
21. Comme cette paix dont nous parlons, mes frères, n’est pas complètement en nous, c’est-à-dire n’est point parfaite en chacun de nous, peut-être votre âme se plaît-elle à nous écouter encore ; et pourtant, bien que le corps ne s’y refuse point, nous finirons le psaume. Je ne vous vois jamais fatigués, et néanmoins, Dieu le sait, je crains de vous être à charge ou à quelques-uns de nos frères : j’en vois plusieurs d’entre vous qui exigent de moi ce travail, et j’ai cette confiance dans le Seigneur, que mes sueurs ne seront point sans fruit. J’éprouve une grande joie, en vous voyant goûter dans la parole de Dieu un tel plaisir, que cette ardeur louable du bien, et qu’enfante le bien, l’emporte sur l’ardeur des insensés qui sont dans – l’amphithéâtre. Y pourraient-ils demeurer debout aussi longtemps ? Écoutons donc le reste, mes frères, puisque tel est votre désir. Que le Seigneur me vienne en aide, qu’il soutienne mon esprit et mes forces. Le Prophète, s’adressant à la Jérusalem du ciel, lui dit : « Il a établi la paix dans tes confins, et il te rassasie de la moelle du froment ». La faim et la soif de la justice passeront, et nous serons rassasiés. Quelle sera en effet la moelle du froment, sinon le pain qui est descendu du ciel vers nous[4] ? Comment nous rassasiera-t-il dans la patrie, celui qui nous a ainsi nourris dans notre exil ?
22. Le Prophète va nous entretenir de cet exil, d’où nous passons à cette Jérusalem, où nous chanterons le Seigneur tous ensemble, où nous bénirons le Seigneur notre Dieu,

  1. Gal. 5,17
  2. 1 Cor. 15,53
  3. Mt. 5,6
  4. Jn. 6,51