Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/300

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tout a été fait par le Verbe ? « Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé ». Nul ne parle, nul ne commande que par le Verbe.
8. « Il les a établis pour toujours, et pour les siècles des siècles[1] ». Tout ce qui est céleste, tout ce qui est d’en haut, toutes les vertus et tous les anges, et cette cité supérieure, bonne, sainte et heureuse d’où nous sommes bannis, ce qui fait notre malheur, où nous devons retourner, ce qui nous fait heureux en espérance, et où nous aurons le bonheur en réalité, après notre retour : « voilà ce que Dieu a établi dans le siècle, et dans le siècle des siècles ; il en a porté le décret, et sa parole ne passera joint ». Quel est, pensez-vous, le précepte porté aux créatures célestes et aux anges ? Quel précepte le Seigneur a-t-il pu leur enjoindre ? Quel précepte, sinon de le louer ? Bienheureux esprits dont toute la tâche est de louer le Seigneur ! Ils ne labourent point, ne sèment point, n’ont aucun souci de moudre ou de faire cuire la nourriture : ce sont là des œuvres de nécessité, et la nécessité n’est point du ciel. Ils ne commettent ni vol, ni rapine, ni adultère : ce sont là des œuvres d’iniquité, et l’iniquité n’est point du ciel. Ils ne donnent point le pain à celui qui a faim, ni le vêtement à celui qui est nu, ne visitent point le malade, ne reçoivent point l’étranger, ne réconcilient point les ennemis, n’ensevelissent point les morts : ce sont là des œuvres de miséricorde, et là, il n’y a point de misère qui ait besoin de miséricorde. Bienheureux esprits, serons-nous donc ainsi un jour ? Soupirons, mes frères, et que nos soupirs deviennent des gémissements. Qui sommes-nous, pour être un jour au ciel ? Des mortels, abattus, humiliés, de la terre et de la cendre. Mais il est tout-puissant, celui qui vous a fait une promesse. À nous considérer, qui sommes-nous ? Mais à considérer l’auteur de nos promesses, il est Dieu, il est tout-puissant. Ne pourra-t-il de l’homme faire un ange, lui qui a fait l’homme de rien ? Ou bien pourrait-il mépriser l’homme, ce même Dieu qui a voulu que son Fils unique mourût pour l’homme ? Jetons, les yeux sur les signes de son amour. Tels sont les gages qu’il nous a donnés de sa promesse : c’est la mort du Christ, le sang du Christ que nous possédons. Qui donc est mort ? Le Fils unique de Dieu. Pour qui est-il mort ? Plût à Dieu qu’il fût mort pour les bons, pour les justes. Mais quoi ? « Le Christ est mort pour les impies[2] », nous dit saint Paul. Lui qui a donné sa mort pour les impies, que peut-il réserver aux justes, sinon sa vie ? Que l’homme donc se relève dans sa faiblesse, qu’il ne se détourne point de Dieu, ne se roule point dans son désespoir et ne dise point Le bonheur n’est pas pour moi, C’est Dieu lui-même qui lui a promis ce bonheur ; il est venu afin de promettre ce bonheur ; il s’est montré aux hommes, il est venu se revêtir de notre mort et nous promettre sa vie, Il est venu dans le lieu de notre exil prendre ici-bas ce que l’on trouve si abondamment ici-bas, les opprobres, les fouets, les soufflets, les crachats, les affronts, la couronne d’épines, la suspension sur le bois, la croix, la mort. Voilà ce qui abonde en cette vie, et tel est le commerce qu’il est venu y faire. Qu’a-t-il donné ici-bas et qu’y a-t-il reçu ? Il a donné l’encouragement, donné la doctrine, donné la rémission des péchés ; il a reçu les outrages, la mort, la croix. Les biens, voilà ce qu’il nous apportait du ciel ; les maux, voilà ce qu’il a enduré sur la terre, Et toutefois il nous a promis que nous serons un jour dans ce même ciel d’où il est venu, et il a dit : « Mon Père, je veux qu’ils soient avec moi, où je suis moi-même[3] ». Tel est l’amour dont il nous a prévenus, et parce qu’il a voulu être avec nous où nous sommes, nous serons avec lui où il est. O homme, chétif mortel, que t’a donc promis Dieu ? Que tu vivras éternellement. Ne le peux-tu croire ? Oh ! crois hardiment. Ce qu’il a fait dépasse de beaucoup ce qu’il a promis. Qu’a-t-il fait ? Il est mort pour toi. Qu’a-t-il promis ? Que tu vivras avec lui. Que l’Éternel soit mort, c’est plus difficile à croire qu’un mortel qui vit éternellement. Or, ce qui est le plus difficile à croire, nous en sommes en possession, Quand un Dieu meurt pour l’homme, pourquoi l’homme ne vivrait-il pas avec Dieu ? Pourquoi ne vivrait-il pas éternellement, ce mortel pour qui est mort celui qui vit éternellement ? Mais comment Dieu est-il mort, et d’où lui est venue la mort ? Un Dieu peut-il mourir ? Il a pris de toi cette chair qui lui permettait de mourir pour toi. Il n’eût pu mourir sans cette chair, il n’eût pu mourir

  1. Ps. 148,6
  2. Rom. 5,6
  3. Jn. 17,24