Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/304

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arbres à fruits et les cèdres, les bêtes sauvages et les troupeaux, les reptiles et les oiseaux », Puis il en vient aux hommes : « Que les rois de la terre, que tous les peuples et tous les juges de la terre, que les adolescents et les vierges, et les enfants et les vieillards, bénissent le nom du Seigneur[1] » Il a donc chanté la gloire de Dieu dans le ciel, la gloire de Dieu sur la terre.
14. « Parce qu’il n’y a que son nom qui soit grand[2] ». Que l’homme ne cherche point à grandir son nom. Veux-tu être élevé ? Soumets-toi à celui qui ne saurait être abaissé. Il est le seul dont le nom soit grand.
15. « Sa confession subsiste sur la terre et dans le ciel[3] ». Qu’est-ce à dire que « sa confession subsiste sur la terre et dans le ciel ? » Que lui-même se confesse ? Point du tout, mais que toutes les créatures le confessent, que toutes le proclament ; que leur beauté devient chez elles une sorte de concert à la louange du Seigneur. Le ciel crie à Dieu C’est vous qui m’avez fait, et non moi. La terre crie à Dieu : C’est vous qui m’avez faite, et non moi. Comment ces créatures peuvent-elles crier ? Lorsqu’on les considère, et qu’on trouve qu’il en est ainsi, elles crient dans ta considération, elles crient par ta voix. « La confession est sur la terre et dans le ciel ». Considère le ciel, il est beau ; considère la terre, elle est belle ; l’un et l’autre ont une admirable beauté. C’est lui qui les a faits, lui qui les conduit, qui les gouverne par sa sagesse ; c’est lui qui fait que le temps passe, que les moments se succèdent ; c’est par lui que tout se répare. Toutes les créatures le louent, soit dans le repos, soit dans le mouvement, soit ici-bas sur la terre, soit dans les hauteurs des cieux, soit qu’elles vieillissent ou qu’elles se renouvellent. À la vue de ces créatures, tu es ravi, tu t’élèves jusqu’au Créateur, la vue des créatures visibles t’élève jusqu’aux créatures invisibles[4]. Alors « sa confession est sur la terre et aussi dans le ciel », c’est-à-dire que tu chantes sa gloire dans les choses de la terre, sa gloire encore dans les choses du ciel. Or, comme il a fait toutes choses, et que rien ne lui est supérieur, toutes ses créatures sont au-dessous de lui ; et tout ce qui pourrait te plaire en elles est bien inférieur à lui-même. Que ses œuvres te plaisent donc, mais sans te séparer de lui-même, et si tu aimes l’œuvre, aime bien plus celui qui l’a faite. Si ses œuvres sont belles, combien est plus grande la beauté du Créateur ? « On proclame sa gloire sur la terre et dans le ciel ».
16. « Et il élèvera la force de son peuple ». Voilà ce que prédisaient Aggée et Zacharie. Cette force de son peuple est maintenant abaissée par les persécutions, par les épreuves, par la componction des cœurs ; mais quand élèvera-t-il la force de son peuple ? Quand viendra le Seigneur lui-même, quand se lèvera le soleil de justice ; non point ce soleil qui apparaît à nos yeux, qui se lève sur les bons et sur les méchants[5] ; mais ce soleil dont il est dit : « Pour vous qui craignez Dieu, se lèvera le soleil de justice, et le salut sera sous ses ailes[6] ». C’est de lui que les orgueilleux et les impies diront un jour : « La lumière de la justice n’a point lui pour nous, et le soleil ne s’est point levé à nos yeux[7] ». Cette lumière sera l’été pour nous, Maintenant, pendant l’hiver, les fruits n’apparaissent point dans la racine, l’hiver nous fait paraître les arbres comme stériles. Quiconque ne sait pas voir les choses pourrait croire que la vigne est morte ; qu’un cep soit réellement desséché, il ressemble en hiver absolument à son voisin ; et pourtant l’un est mort, l’autre en vie ; mais la vie de l’un comme la mort de l’autre demeurent cachées. Or, voici l’été, qui fait ressortir dans l’un, une vie luxuriante, et dans l’autre une mort indubitable : l’un se couvre fièrement de feuilles et de fruits abondants, il se pare au-dehors de ce qui était caché dans sa racine. Nous ressemblons donc, mes frères, au reste des hommes qui naissent, qui mangent, qui boivent, qui se couvrent de vêtements, qui passent ainsi cette vie ; il en est de même des saints. Voilà ce qui jette souvent dans l’erreur des hommes qui disent : Depuis qu’il s’est fait chrétien, est-il délivré de sa migraine ? Ou bien, quel avantage a-t-il sur moi depuis qu’il est chrétien ? O vigne desséchée ! tu ne vois qu’avec dédain cette autre vigne que l’hiver a dépouillée, mais non desséchée. L’été viendra, le Seigneur viendra, lui qui est notre gloire et qui était caché dans la racine ; et alors « il élèvera la puissance de son peuple » après cette captivité, dans laquelle nous vivons pour mourir. De là cette parole de l’Apôtre : « Ne

  1. Ps. 148,9-12
  2. Id. 13
  3. Id. 14
  4. Rom. 1,20
  5. Mt. 5,45
  6. Mal. 4,2
  7. Sag. 5,6