Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/305

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jugez point avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres ; et alors chacun recevra de Dieu sa louange[1] ». Mais, diras-tu, où donc est ma racine ? où est mon fruit ? Si tu as la foi, tu sais où est la racine ; car elle est où est ta foi, où est ton espérance, où est ta charité. Écoute l’Apôtre : « Vous êtes morts[2] », disait-il à ceux qui paraissaient morts pendant l’hiver ; apprends néanmoins qu’ils vivent : « Et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ ». C’est là que j’ai ma racine. Quand donc seras-tu paré de tes ornements, enrichi de tes fruits ? Écoute saint Paul qui le dit dans la suite : « Quand apparaîtra le Christ qui est votre vie, alors vous apparaîtrez avec lui dans la gloire[3] ; et il élèvera la puissance de son peuple ».
17. « Que tous ses saints le chantent dans leurs hymnes ». Connaissez-vous l’hymne ? C’est un cantique en l’honneur de Dieu. Louer Dieu, sans aucun chant, ce n’est point une hymne : chanter sans louer Dieu, n’est point une hymne ; louer quelque chose autre que Dieu, de quelque chant que l’on puisse accompagner cette louange, ce n’est point une hymne encore. Une hymne a donc ces trois conditions, qu’elle est un chant, une louange, et louange en l’honneur de Dieu, Un cantique en l’honneur de Dieu est donc une hymne. Or, que signifie cette parole : « Hymne à tous les saints ? » Que tous les saints du Seigneur lui chantent des hymnes, qu’ils fassent retentir ses louanges. C’est là ce qu’ils recevront de Dieu au dernier jour, une hymne éternelle. De là cette autre parole du psaume : « Le sacrifice de louanges est le culte qui m’honore, telle est la voie où je lui montrerai mon salut[4] ». Et encore « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles[5] ». Telle est l’hymne pour tous les saints. Quels sont les saints de Dieu ? « Les fils d’Israël, le peuple qui s’approche de lui ». Que nul ne dise : Je ne suis point entant d’Israël. Ne vous imaginez point que les Juifs seront enfants d’Israël, et non point nous. J’ose vous dire au contraire, que nous sommes les enfants d’Israël, et non les Juifs. Écoutez pourquoi : c’est que l’enfant né selon l’esprit est plus grand que l’enfant né selon la chair. Or, d’où est issu Israël ? D’Abraham. Car Isaac est né d’Abraham, et Israël d’Isaac. Comment Abraham se rendit-il agréable à Dieu ? « Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice[6] ». Quiconque dès lors imite Abraham dans sa foi, devient fils d’Abraham ; quiconque dégénère de la foi d’Abraham, est déchu de sa postérité. Les Juifs qui ont dégénéré de sa foi, ont perdu le droit d’être ses enfants, et nous en imitant sa foi, nous avons acquis ce même droit. Sache bien qu’ils l’ont perdu. Que leur répond le Sauveur quand ils disent : « Nous sommes fils d’Abraham[7] ? » Ils osent bien se vanter et lever la tête à propos de cette noble descendance d’un juste ; mais que leur dit le Seigneur : « Si vous étiez fils d’Abraham, vous en feriez les œuvres[8] ». Si donc ils ont perdu l’honneur d’être enfants d’Abraham, nous avons acquis ce même honneur ; et nous avons acquis par notre foi ce que leur incrédulité leur a fait perdre. Parce qu’Abraham crut à Dieu, sa foi lui fut imputée à justice. Or, la postérité d’Abraham c’est le Christ[9], et nous sommes dans le Christ ; d’Israël naquit un peuple, d’où est venue Marie, et de Marie est né le Christ, et nous qui sommes dans le Christ, nous sommes donc fils d’Israël. Qu’ajoute le Prophète pour nous distinguer des Juifs ? « Aux fils d’Israël, au peuple qui s’approche de Dieu ». Voyez les Juifs : s’ils s’approchent de Dieu, c’est d’eux qu’il est question. Mais peut-être s’en approchent-ils, me dira quelqu’un ; car eux aussi chantent des psaumes, ils chantent des hymnes à Dieu. N’entendez-vous point ce que dit le Prophète : « Voilà un peuple qui m’honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi[10] ? » Si donc leur cœur est loin de Dieu, et si notre cœur est près de Dieu, parce que nous croyons, parce que nous espérons, parce que nous aimons, parce que nous sommes unis au Christ, parce que nous sommes devenus ses membres ; est-ce que les membres sont séparés du chef ? S’ils étaient éloignés, ils seraient divisés, et cette parole ne serait plus vraie : « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles[11] ». S’ils étaient séparés du chef, il ne dirait point du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[12]? » S’il n’était point en nous, il ne dirait point :

  1. 1 Cor. 4,5
  2. Col. 3,3
  3. Id. 4
  4. Ps. 50,23
  5. Id. 73,5
  6. Rom. 4,3
  7. Jn. 8,33
  8. Id. 39
  9. Gal. 3,16
  10. Isa. 29,13
  11. Mt. 28,20
  12. Act. 9,4