Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/313

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le prédicateur. Je cherche Saul persécuteur, et ne le trouve plus, il est tué[1]. Par quoi ? Par le glaive à deux tranchants. Mais parce qu’il a été tué en lui-même, il a été vivifié dans le Christ ; aussi dit-il avec confiance : « Je vis, non pas moi, mais c’est le Christ qui vit en moi[2] ». Ce qui lui est arrivé, Dieu le fait aux autres par lui ; car devenu prédicateur, lui-même prit en main le glaive à deux tranchants pour « tirer vengeance des nations ». Et de peur qu’on ne représente des hommes frappés par le fer, du sang répandu, des chairs meurtries, le Prophète continue en disant : « Et réprimer les peuples ». Qu’est-ce que réprimer ? C’est corriger. Usez donc, mes frères, de ce glaive à deux tranchants, qu’il ne demeure point oisif, Dieu vous l’a donné pour en user à votre manière. Un homme tel que toi adore encore les idoles ? Parle ainsi à ton ami, si toutefois il en reste encore quelqu’un à qui tu puisses adresser ce langage : Un homme tel que toi, peux-tu abandonner Dieu qui t’a fait pour adorer une idole que tu as construite ? L’ouvrier n’est-il point préférable à son ouvrage ? Or, tu rougirais d’adorer l’ouvrier, et tu ne rougis point d’adorer ce qu’il fait ? Que ton ami rougisse, qu’il soit touché de componction, c’est une blessure que ton glaive a faite ; tu as frappé au cœur ; il mourra pour revivre. Entre leurs mains, des glaives à double tranchant, pour se venger des nations, et « redresser les peuples ».
14. « Afin de mettre leurs rois dans les chaînes, et leurs princes dans des liens de fer, pour exercer contre eux le jugement prescrit[3] ». Nous avons exposé sans peine commuent la framée nous fait tomber pour nous relever, nous sépare pour nous rassembler, nous blesse pour nous guérir, nous tue pour nous faire vivre. Mais que faire maintenant ? Comment expliquer : « Pour mettre leurs rois dans les chaînes ? » Il faut donner des entraves aux rois des nations, et des chaînes à leurs princes et même des liens de fer. Redoublez d’attention pour savoir ce que vous savez déjà, car ces paroles que nous expliquons sont obscures à la vérité, mais ce que nous devons en dire n’est pas nouveau. Vous le savez déjà, et sans rien apprendre de nouveau, vous n’avez qu’à vous souvenir. Le dessein de Dieu en rendant obscurs quelques versets, est moins de nous en faire tirer une leçon nouvelle, que de nous rappeler par ces obscurités ce que nous savons déjà. Nous savons que les rois sont devenus chrétiens, que les princes des peuples ont embrasé la foi. Il y en a aujourd’hui, il y en eut autrefois, il y en aura encore, et les glaives à deux tranchants sont toujours dans les mains des saints. Comment donc entendre que les rois sont chargés de chaînes, et de liens de fer ? Votre charité sait déjà, et les leçons fréquentes de l’Église dont vous êtes nourris vous ont appris que « Dieu a choisi dans le monde ce qui est faible pour confondre ce qui est fort ; il a choisi ce qui est fou selon le monde pou r confondre ce qui est fort, et ce qui n’est rien comme ce qui est quelque chose, pour détruire ce qui est ». Voici cri effet ce que dit l’Apôtre : « Voyez, mes frères, ceux d’entre vous qui sont appelés ; il en est peu de sages selon la chair, peu de puissants, peu de nobles ; mais Dieu a choisi ce qui est fou selon le monde, ce qui est infirme selon le monde, pour confondre ce qui est fort ; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable, et ce qui n’est rien comme ce qui est quelque chose, pour détruire ce qui est[4] ». Jésus-Christ notre Dieu est venu pour le bien de tous ; mais il s’est servi d’un pêcheur pour le bien des empereurs, et non d’un empereur pour le bien d’un pêcheur ; et il a choisi des hommes sans aucune importance dans le monde. Il les a remplis de l’Esprit-Saint, leur a donné le glaive à double tranchant et leur a commandé de parcourir l’univers entier en prêchant l’Évangile[5]. À l’instant le monde frémit de rage, le lion se leva contre l’agneau, et l’agneau fut plus fort que le lion. Le lion sévit et fut vaincu, l’agneau souffrit et fut vainqueur. Pénétrés de crainte, les hommes se convertirent au Christ, et les rois et les grands du monde s’étonnèrent à la vue des miracles, se troublèrent à l’accomplissement des prophéties, et virent avec stupeur le genre humain accourir au seul nom du Christ. Que faire alors ? Beaucoup renoncèrent à toute grandeur, laissèrent leurs palais, et distribuèrent leurs biens aux pauvres pour courir à la perfection. Car le Seigneur disait à l’un de ces imparfaits : « Si vous voulez être parfait, allez vendre ce que vous possédez et en donnez le bien aux pauvres, puis venez

  1. Act. 9,4
  2. Gal. 2,20
  3. Ps. 149,8-9
  4. 1 Cor. 1,26-28
  5. Mt. 28,19