Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peut en avoir beaucoup ; ainsi, dans Rome, la population est divisée en trente-cinq curies. Voilà ce qu’on appelle tribus, et le peuple d’Israël était partagé en douze tribus, selon le nombre des fils de Jacob.
8. Il y avait donc en Israël douze tribus, et ces tribus étaient formées de bons et de méchants, Quelle méchanceté dans ces tribus qui clouèrent le Sauveur à la croix ! Quelle bonté dans celles qui le reconnurent ! Les tribus qui crucifièrent le, Sauveur sont donc les tribus du diable. Aussi quand le Prophète nous dit que là montèrent les tribus, de peur qu’on n’entende par là toutes les tribus, il reprend : « Les tribus du Seigneur ». Qu’est-ce à dire, les tribus du Seigneur ? Celles qui reconnurent le Seigneur. Parmi ces tribus méchantes, il y avait des bons qui venaient de ces tribus fidèles, lesquelles avaient reconnu l’architecte de la cité ; ils étaient dans ces mêmes tribus, comme le bon grain mêlé à la paille. Ce ne sont donc point les tribus mêlées à la paille qui sont montées, mais bien les tribus purifiées, choisies comme tribus du Seigneur. « C’est là que sont montées les tribus du Seigneur ». Qu’est-ce à dire, tribus du Seigneur ? « Le témoignage d’Israël ». Écoutez, mes frères, ce que cela signifie : « Témoignage d’Israël », c’est-à-dire chez qui l’on reconnaît qu’est véritablement Israël. Que signifie Israël ? Déjà je vous l’ai expliqué ; mais il est bon de le redire, bien que nous l’ayons fait récemment ; on peut l’avoir oublié. En le répétant, faisons en sorte qu’ils ne pussent l’oublier, ceux qui ne savent point ou ne veulent point lire ; soyons leur livre. Israël signifie qui voit Dieu, et même, plus rigoureusement, dans la force du terme, Israël est voyant Dieu : double propriété, être et voir Dieu. L’homme, de lui-même, n’est pas ; il est assujetti à divers changements, jusqu’à ce qu’il participe à celui qui est le même. Alors il est, quand il voit Dieu. Il est quand il voit celui qui est, et en voyant celui qui est, il est aussi lui-même, autant qu’il en est capable. Il devient donc Israël, et Israël est l’homme qui voit Dieu. L’orgueilleux n’est donc point Israël, puisque voulant être à lui-même sa stabilité, il n’a point de part à celui qui est le même. Vouloir être son principe, ce n’est pas être Israël. Donc, tout hypocrite n’est point Israël, puisque l’orgueilleux est nécessairement hypocrite. Oui, mes frères, je le répète, il n’est pas un orgueilleux qui ne veuille paraître ce qu’il n’est pas. Et plaise à Dieu que l’orgueilleux ne veuille paraître ce qu’il n’est point, qu’en se donnant pour musicien par exemple, quand il ne connaît aucune musique. On pourrait aussitôt le mettre à l’épreuve ; on lui dirait : Chante, voyons si tu es musicien. Son impuissance le convaincrait de s’être donné pour ce qu’il n’était point. S’il se disait éloquent, on lui dirait : Parle, et nous entendrons ; et en parlant, il montrerait qu’il n’est point ce qu’il se vantait d’être. Mais, ce qu’il y a de fâcheux, c’est que l’orgueilleux veut paraître juste sans l’être en réalité ; et comme il est très difficile de connaître la justice, il est très difficile de discerner les orgueilleux. Ces orgueilleux donc veulent paraître ce qu’ils ne sont point ; dès lors ils n’ont point de part à Celui qui « est lui-même » ; ils n’ont point de part en Israël qui est, et qui voit Dieu. Qui donc appartient à Israël ? Celui qui a pour partage Celui qui est le même. Qui a pris pour partage « Celui qui est le même ? » Celui qui avoue qu’il n’est pas ce qu’est Dieu, et qu’il tient de Dieu ce qu’il peut avoir de bien ; que de lui-même il n’est que péché, et que sa justice lui vient de Dieu. Tel est l’homme sans déguisement. Or, que dit le Seigneur en voyant Nathanaël ? « Voilà un véritable enfant d’Israël, sans déguisement »[1]. De même alors que l’homme sans déguisement est un véritable Israélite, elles étaient aussi sans déguisement, ces tribus qui montèrent vers le Seigneur. Elles sont le témoignage d’Israël, c’est-à-dire que l’on connaît par elles qu’il y avait du bon grain mêlé à la paille, lorsque, en voyant l’aire, on eût pu croire qu’il n’y avait que la paille seule. Il y avait donc là de bons grains, et quand l’aire sera vannée, quand ils se dégageront de la paille, pour paraître au grand jour, alors ils seront le témoignage d’Israël. Tous les méchants diront : Il y avait là véritablement des bons parmi les méchants, alors que tous nous paraissaient mauvais, et que nous les jugions semblables à nous-mêmes. C’est là le témoignage d’Israël. Où montent ces tribus, et pourquoi ? « Pour confesser votre nom, ô mon Dieu ». On ne saurait rien dire de plus grand. L’orgueil a la présomption, et l’humilité

  1. Jn. 1,47