Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/354

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afin d’y puiser au moins quelques gouttes qui nous rafraîchissent et nous consolent pendant notre pèlerinage, qui nous empêchent de tomber en défaillance dans le chemin et nous conduisent finalement au repos et à la satiété dont il est le principe. « Si donc celui qui dit des paroles de mensonge, parle du sien », celui qui dit la vérité parle d’après Dieu. Jean disait la vérité, et le Christ, c’est la Vérité même ; Jean disait la vérité, mais tout homme qui dit la vérité reçoit de la Vérité même, le don de la dire ; si Jean dit la vérité et si l’homme ne peut la dire qu’autant que la Vérité elle-même lui en donne le pouvoir, de qui Jean tenait-il donc le pouvoir de dire la vérité, sinon de celui qui a dit : « Je suis la Vérité [1] ? » La Vérité ne peut donc pas plus démentir celui qui parle d’après elle, que celui qui parle d’après la Vérité ne peut la démentir à son tour. La Vérité avait envoyé celui qui disait vrai, et il ne disait vrai que parce que la Vérité l’avait envoyé. Si la Vérité avait envoyé Jean, c’était de Jésus-Christ qu’il tenait sa mission. Mais ce que le Christ fait avec son Père, son Père le fait, et ce que le Père fait avec le Christ, le Christ le fait à son tour. Le Père ne fait rien séparément du Fils, comme le Fils ne fait rien séparément du Père ; en eux la charité, l’unité, la majesté, la puissance sont inséparables, suivant ces paroles formelles de Jésus-Christ lui-même « Mon Père et moi sommes une même chose [2] ». Qui donc a envoyé Jean ? Si nous disons que c’est le Père, nous disons vrai ; si nous disons que c’est le Fils, nous disons vrai encore ; mais pour parler plus juste, il faudrait dire que c’est le Père et le Fils. Mais celui qui a été ainsi envoyé par le Père et le Fils, c’est un seul et même Dieu qui l’a envoyé, parce que le Fils a dit : « Mon Père et moi, nous sommes une seule nature ». Comment donc Jean ne connaissait-il pas celui qui l’avait envoyé ? Il l’affirme pourtant : « Pour moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, lui-même m’a dit ». J’adresse à Jean cette question : que vous a dit celui qui vous a envoyé pour baptiser dam l’eau ? « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est celui-là qui baptise dans le Saint-Esprit ». Jean, est-ce bien là ce que vous a dit celui qui vous a envoyé ? Oui, c’est cela. Qui donc vous a envoyé ? Serait-ce le Père ? Dieu le Père est la Vérité, comme aussi Dieu le Fils : si le Père vous a envoyé sans le concours du Fils, Dieu vous a envoyé sans le concours de la Vérité ; mais si vous êtes véridique, parce que vous dites la vérité, et que vous parlez d’après la Vérité ; le Père ne vous a pas envoyé indépendamment de son Fils, mais le Père et le Fi ! s vous ont envoyé par ensemble. Si donc le Fils vous a envoyé d’accord avec le Père, comment ne connaissez-vous pas celui par qui vous avez été envoyé ? Celui que vous aviez vu dans la vérité, vous a envoyé, afin que vous le fissiez connaître dans sa chair, et il vous a dit : « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est celui qui baptise dans le Saint-Esprit ».
2. Ce que Jean a entendu lui a-t-il été dit pour lui faire connaître celui qu’il ne connaissait pas encore ou pour lui faire connaître plus pleinement celui que déjà il a appris à connaître ? Car s’il ne l’avait pas connu, du moins en partie, il ne lui aurait point dit, au moment où il venait vers le Jourdain pour recevoir le baptême : « C’est à moi d’être baptisé par vous, et vous venez à moi [3] ! » Il le connaissait donc déjà. Quand, en effet, la colombe est-elle descendue du ciel ? Après le baptême de Jésus-Christ et sa sortie de l’eau. Puisque celui qui a envoyé Jean lui a dit : « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est celui qui baptise dans le Saint-Esprit » ; puisque d’ailleurs Jean ne le connaissait pas alors et ne l’a connu qu’à la descente de la colombe ; puisque la colombe est descendue seulement après que Jésus-Christ fut sorti de l’eau du fleuve ; puisqu’enfin Jean le connaissait déjà au moment où le Sauveur vint à lui pour recevoir le baptême, il est évident pour nous qu’en un sens, Jean connaissait Notre-Seigneur, et qu’en un autre sens il ne le connaissait pas encore. À moins de comprendre ainsi les choses, nous devrions considérer Jean comme un menteur. Comment donc a-t-il pu dire en toute vérité, et par suite de la connaissance qu’il en avait déjà : « Vous venez à moi pour être baptisé, c’est à moi d’être baptisé par vous ? » A-t-il dit vrai en parlant de la sorte ? D’un autre côté encore, comment a-t-il parlé selon la vérité,

  1. Jn. 14, 6
  2. Jn. 10, 30
  3. Mt. 3, 14