Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/355

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quand il a dit : « Pour moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, c’est le même qui m’a dit : « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est celui qui baptise dans le Saint-Esprit ». La colombe a donc fait connaître le Christ à Jean, non comme à un homme qui ne le connaissait pas du tout, mais comme à un homme qui le connaissait sous certains rapports, sans le connaître sous d’autres. C’est donc à nous de chercher ce que Jean ne connaissait pas en Notre-Seigneur et ce que la colombe lui on a appris.
3. Pourquoi Jean a-t-il été envoyé avec la mission de baptiser ? Je me souviens d’avoir déjà répondu de mon mieux à cette question, en présence de votre charité. Si le baptême de Jean était nécessaire à notre salut, aujourd’hui encore on devrait le donner. Car aujourd’hui encore les hommes parviennent au salut, ils y parviennent même en plus grand nombre : autre n’était pas alors le salut, autre il n’est pas aujourd’hui. Si Jésus-Christ a changé, notre salut a changé aussi ; mais si notre salut se trouve en Jésus-Christ et si Jésus-Christ est le même, notre salut aussi est le même. Cela étant, pourquoi Jean a-t-il été envoyé avec la mission de donner le baptême ? Parce qu’il fallait que Jésus-Christ fût baptisé ; mais pourquoi fallait-il que Jésus-Christ fût baptisé ? Pourquoi fallait-il qu’il vînt au monde ? Pourquoi fallait-il qu’il fût crucifié ? Car puisque c’était pour nous montrer la voie de l’humilité qu’il était venu en ce monde, et puisqu’il devait lui-même devenir celte voie, il fallait qu’en toutes choses il pratiquât l’humilité. Par là il a daigné relever à nos yeux la valeur de son propre baptême et apprendre à ses serviteurs avec quel joyeux empressement ils devaient courir au baptême du maître, puisque le maître n’avait pas dédaigné le baptême de son serviteur. Tel a été le privilège de Jean, que le baptême qu’il donnait portait son nom.
4. Que votre charité remarque attentivement ceci ; qu’elle ne fasse point confusion ; qu’elle me comprenne bien. Le baptême que Jean a reçu la mission de donner a été appelé de son nom. Jean a été le seul à recevoir un pareil privilège. Ni avant lui, ni après lui, aucun juste n’a reçu le pouvoir de conférer un baptême qui fût appelé de son nom. Jean a reçu le pouvoir de baptiser, car de lui-même il n’était capable de rien ; tout homme, en effet, qui parle de lui-même, ne peut de lui-même que dire des mensonges. Et de qui a –-t-il reçu ce pouvoir, sinon de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Celui de qui il a reçu le pouvoir de baptiser, c’est celui qu’il devait baptiser ensuite ; ne vous étonnez pas ; car Jésus-Christ a agi à l’égard de Jean, commue il a agi à l’égard de sa mère. En effet il est dit du Christ : « Toutes choses ont été faites par lui [1] ». Si le Christ a fait toutes choses, il a donc aussi fait Marie qui, Plus tard, l’a mis au monde. Que votre charité soit attentive. De même que Jésus-Christ a formé Marie et a été ensuite formé par elle ; ainsi il a donné à Jean le pouvoir de baptiser et a été baptisé par lui.
5. Voilà donc pourquoi il a reçu le baptême de Jean, c’était afin que, recevant de son inférieur ce qui était au-dessous de lui, il encourageât les inférieurs à recevoir ce qui était au-dessus d’eux. Mais pourquoi n’a-t-il pas été le seul baptisé par Jean, si la mission de Jean consistait à le baptiser et à préparer la voie au Seigneur, c’est-à-dire à Jésus-Christ ? Nous en avons déjà donné la raison, mais nous y revenons parce que la question présente l’exige. Si Notre-Seigneur Jésus-Christ seul avait été baptisé par Jean, retenez bien nos paroles, que le monde ne soit pas assez puissant pour effacer de vos cœurs ce que l’Esprit de Dieu y a mis ; que les épines des sollicitudes mondaines ne prévalent pas au point d’étouffer en vous la bonne semence que nous y jetons, car pourquoi sommes-nous forcés de répéter plusieurs fois les mêmes choses, si ce n’est parce que nous ne sommes pas assez sûrs de la fidélité de votre mémoire ? Si donc Notre-Seigneur seul avait reçu le baptême de Jean, plusieurs se seraient rencontrés, qui auraient regardé le baptême de Jean comme supérieur et préférable à celui du Christ ; car ils auraient dit : Ce baptême l’emporte à tel point sur l’autre, que le Sauveur a seul mérité de le recevoir. Aussi, pour nous donner un exemple d’humilité et nous procurer le salut auquel nous ne pouvions parvenir que par le baptême, il a reçu celui dont il n’avait nul besoin pour lui-même, mais qui lui était nécessaire à cause de nous : il a voulu aussi empêcher les hommes

  1. Jn. 1, 3