Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/357

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cette façon, un méchant peut devenir le ministre du baptême ; les hommes peuvent ne pas connaître son indignité, mais Dieu ne l’ignore pas ; et il permet que ce ministre confère le baptême dont il garde pour lui-même le pouvoir.8. Or, voilà ce que Jean ne connaissait pas à Notre-Seigneur. Que Jésus-Christ fût le Seigneur, il le savait bien ; qu’il dût baptiser Jésus Christ, il le savait encore, et il confesse que le Sauveur dit la Vérité et que lui, homme véridique, avait été envoyé par la Vérité ; et il savait tout cela. Que ne savait-il donc pas relativement à Notre-Seigneur ? C’est que Jésus-Christ conserverait par-devers lui la propriété de son baptême, sans la transmettre ni la conférer à aucun de ses ministres : de cette manière que le ministre du baptême fût digne ou indigne d’administrer ce sacrement, le baptisé ne devait reconnaître, comme l’auteur de sa régénération, que celui qui avait conservé pour lui le pouvoir de baptiser. Sachez-le bien, mes frères, voilà ce que Jean ignorait par rapport à Jésus-Christ. Voilà ce que lui a appris la colombe. Ainsi donc Jean connaissait le Sauveur ; mais ce qu’il ignorait, c’est que Jésus-Christ dût se réserver pour lui-même et en propre le pouvoir de baptiser et ne le communiquer à aucun de ses ministres. Telle est la raison de ces paroles : « Pour moi, je ne le connaissais pas ». Si vous voulez être assurés qu’il a reçu en ce moment la connaissance de cette vérité, écoutez attentivement ce qui suit : « Mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’a dit : Celui sur qui tu verras le Saint-Esprit descendre et demeurer en forme de colombe, c’est lui-même ». Que signifie : c’est lui ? Le Seigneur. Mais il avait déjà appris à connaître le Seigneur. Supposez donc que jusqu’ici Jean a dit : « Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’a dit ». Que lui a-t-il dit ? Le voici : « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe ». N’allons pas plus loin, cependant soyez attentifs. « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est lui ». Que signifient ces mots : « c’est lui ? » Qu’a voulu m’enseigner par la colombe celui qui m’a envoyé ? Qu’il était le Seigneur ? Je connaissais déjà celui qui m’a envoyé ; je connaissais déjà celui à qui j’ai dit : « Vous venez à moi pour être baptisé, c’est à moi d’être baptisé par vous » ; je savais si bien sa qualité de Seigneur, que j’aurais mieux aimé être baptisé par lui que le baptiser moi-même. C’est alors qu’il m’a dit : « Laisse faire maintenant, il faut que toute justice s’accomplisse [1] ». Je suis venu pour souffrir et je ne serais pas venu pour être baptisé ? « Que toute justice s’accomplisse », m’a dit mon Dieu, que toute justice s’accomplisse, que j’enseigne l’humilité dans sa perfection. Je sais qu’il se rencontrera des orgueilleux dans mon futur peuple, je sais qu’il se trouvera des hommes ornés de certains dons particuliers de la grâce. Quand ces hommes verront les simples recevoir le baptême, comme ils croiront valoir mieux, soit à cause de leur continence, soit en raison de leurs aumônes eu de leur science, ils dédaigneront peut-être de recevoir ce qu’auront reçu leurs inférieurs. Il me faut les guérir et les empêcher de s’éloigner avec dédain du baptême de leur maître, puisque je serai venu au baptême de mon serviteur.
9. Voilà donc ce que Jean savait déjà, et il connaissait le Seigneur. Que lui a donc appris la colombe ? Qu’a voulu lui apprendre pas la colombe, c’est-à-dire par le Saint-Esprit venant sous sa figure, celui qui a envoyé Jean et qui lui a dit : « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est lui-même ». Que signifient ces mots, « c’est lui-même ? » Le Seigneur. Je le savais déjà. Mais savez-vous que ce Seigneur qui avait le pouvoir de baptiser, ne le donnerait à aucun de ses serviteurs et le garderait pour lui seul, en sorte que tout homme baptisé par le ministère d’un serviteur ne pût attribuer la grâce de son baptême à ce serviteur, mais uniquement au maître ? Est-ce là ce que vous saviez ? Non, je ne le savais pas encore. Aussi, que m’a-t-il dit ? « Celui sur qui tu verras descendre et demeurer le Saint-Esprit en forme de colombe, c’est lui-même qui baptise dans le Saint-Esprit ». Il ne m’a pas dit : C’est le Seigneur ; il ne m’a pas, dit : C’est le Christ ; il ne m’a pas dit : C’est Dieu ; il ne m’a pas dit : C’est Jésus ; il ne m’a pas dit : C’est Celui qui est né de la Vierge Marie, qui est venu après toi et qui est avant toi ; il ne m’a pas dit cela, car déjà je le savais. Qu’est-ce donc que Jeanne

  1. Mt. 3, 14, 15