Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

citoyens sont unis ensemble », me voici en cette vie, et sur la terre, me voici pauvre, étranger et gémissant, loin de votre paix, et prêchant cette paix ; ce n’est point pour moi que je la prêche comme les hérétiques qui recherchent leur gloire, qui disent : La paix soit avec vous, et qui n’ont point la paix qu’ils prêchent aux peuples. S’ils avaient la paix, ils ne briseraient point l’unité. Moi, dit le Prophète, « je prêchais la paix à votre sujet ». Mais dans quel but ? « A cause de mes frères et de mes proches » ; et non pour la gloire qui m’en reviendra, non pour les richesses, non pour ma vie ; car « vivre, pour moi, c’est le Christ, et mourir est un gain ». Mais, « je parlais de la paix à votre sujet, à cause de mes frères et de mes proches ». Car l’Apôtre désirait sa délivrance afin d’être avec le Christ ; mais, afin de prêcher ainsi à ses proches et à ses frères, « il est nécessaire », dit-il, « que je demeure en cette chair, à cause de vous[1]. « Je parlais de votre paix à cause de mes frères et de mes proches ».
14. « A cause de la maison du Seigneur, notre Dieu, j’appelle tous les biens sur vous »[2]. Ce n’est point pour moi que je recherche des biens, autrement je les appellerais sur moi et non sur toi, et alors j’en serais privé à mon tour, parce que je ne les aurais point cherchés pour toi ; mais « c’est à cause de la maison du Seigneur mon Dieu », à cause de l’Église, à cause des saints, à cause des étrangers, à cause des pauvres, afin qu’ils s’élèvent, puisque nous leur disons : « Nous irons dans la maison du Seigneur ; c’est à cause de cette maison du Seigneur mon Dieu que j’ai appelé tous les biens sur vous ». Voilà, mes frères, des explications un peu longues, et nécessaires néanmoins : veuillez les recueillir, vous en rassasier, en étancher votre soif, afin de vous fortifier, de courir et d’arriver au terme de votre course.


DISCOURS SUR LE PSAUME 122

SERMON AU PEUPLE.

LE CIEL PAR L’AMOUR.

L’amour monte au ciel, ou descend dans l’abîme : il ne saurait monter au ciel que par le Christ qui, seul, en est descendu, seul y peut remonter. C’est à lui qu’il faut nous unir ; et il est uni à nous sur la terre, puisque c’est lui que l’on persécute dans ses membres, nous lui sommes unis dans le ciel par la charité qui espère. C’est l’héritage du Christ ou de l’Église qui, dans l’exil, pousse des cris et lève les yeux vers le Dieu du ciel. C’est à lui que nous montons par le cœur ou par l’amour et par la pensée ; mais l’orgueilleux n’ayant d’amour que pour lui-même, ne saurait faire ses délices de Dieu, ni monter, à coins d’avoir son péché devant les yeux, et d’en détourner l’œil de Dieu par l’aveu qu’il en fera. Le ciel ou la demeure de Dieu est formé des saints, ou qui le voient face à face, ou qui le voient par l’espérance ; non que nous soutenions le Seigneur, mais c’est lui qui nous soutient. Le Prophète lève leu yeux vers celui qui est le maître, comme le serviteur sur les mains du maître, la servante sur la main de sa maîtresse, jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié ; car nous sommes condamnés au châtiment et Adam souffre dans toute sa postérité. Tous ceux qui appartiennent à l’Église ou à la servante devenue Épouse, sentent leurs plaies et demandent miséricorde. Ici-bas les incrédules nous méprisent, se rient de notre foi. Le riche nous insulte, lui qui ne tient que pour un moment ce qu’il possède ; le pauvre nous insulte dans notre foi, lui qui se croit juste. Le riche reconnaîtra son erreur, mais trop tard. Ici-bas, tandis que nous n’avons ni la santé du corps, ni la sainteté de l’âme, aspirons à la cité du bonheur véritable.


1. J’ai entrepris, mes frères, d’exposer a votre sainteté, chacun à son rang, les cantiques des degrés, cantiques de celui qui aime et qui s’élève, qui s’élève parce qu’il aime. Tout amour monte ou descend. L’amour du bien nous élève à Dieu, comme l’amour

  1. Phil. 1,21-24
  2. Ps. 120,9