Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS L’ENDROIT OU IL EST ÉCRIT : « ET MOI JE L’AI VU, ET J’AI RENDU TÉMOIGNAGE QU’IL EST FILS DE DIEU », JUSQU’À « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, VOUS VERREZ LE CIEL « OUVERT ET LES ANGES MONTER ET DESCENDRE SUR LE FILS DE L’HOMME ». (Chap. 1, 34-51.)

LES TÉMOINS DU CHRIST.

La colombe a fait connaître à Jean l’unité du baptême et l’union des cœurs dans le Christ par la charité qui vivifie les œuvres et même la foi, et les rend dignes du ciel ; aussi cet Apôtre en a-t-il rendu témoignage et affirmé que Jésus est « l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde ». À ces paroles du Précurseur, les deux disciples, qui étaient là, s’approchèrent du Christ vers la dixième heure pour lui adresser une question, et trouvèrent en lui l’auteur et le docteur de la loi que nous devons accomplir dans le sentiment de la charité, avec le secours et la grâce de notre maître. Pierre vint ensuite, qui reçut de Jésus le privilège de figurer l’Église, cette pierre sur laquelle seule peut reposer solidement l’édifice de notre sanctification. Puis, Nathanaël lui succéda, homme docte et digne, à cause de sa droiture. D’être sinon choisi comme apôtre, du moins guéri par le céleste médecin. À la première parole du Christ, il reconnut effectivement en lui le Fils de Dieu à cause de sa miséricorde pour les pécheurs ; il crut donc, mais sa foi devait s’accroître encore à la vue des vertus et des travaux des Apôtres.


1. Je veux d’abord me réjouir avec vous de votre grand nombre, et de ce que vous êtes venus ici avec un empressement qui dépasse toutes nos espérances. C’est là ce qui nous réjouit et nous console dans tous les travaux et les périls de cette vie, votre amour pour Dieu, la piété de votre zèle, la fermeté de votre espérance et votre ferveur. Vous avez entendu à la lecture du psaume que le pauvre et l’indigent crient vers Dieu en cette vie [1]. Cette voix, vous l’avez entendu dire souvent, et vous ne devez pas en avoir perdu le souvenir, cette voix, ce n’est pas la voix d’un seul homme, et pourtant elle est la voix d’un seul ; elle n’est pas la voix d’un seul à cause de la multitude des fidèles, grains nombreux mêlés à la paille où ils gémissent, et répandus par tout l’univers ; elle est la voix d’un seul parce que tous sont les membres du Christ et forment ainsi un seul corps. Ce peuple indigent et pauvre ne sait tirer ses joies de ce monde : ses douleurs comme ses joies sont au dedans de lui ; elles se trouvent où celui-là seul porte ses regards, qui écoute les gémissements et couronne les espérances. Les joies du siècle ne sont que vanité. Cette joie, on l’attend avec une fiévreuse impatience, et quand elle est venue on ne peut la retenir. Ainsi ce jour, qui est un jour de joie pour les débauchés de cette ville, ne sera plus demain, et eux-mêmes ne seront plus demain ce qu’ils sont aujourd’hui. Ainsi, tout passe, tout s’envole, tout s’évanouit comme la fumée, et malheur à ceux qui y attachent leurs affections. Car toute âme suit ce qu’elle aime. Toute chair est comme l’herbe, et toute la gloire de la chair est comme la fleur des champs ; l’herbe a séché et la fleur est tombée, mais la parole du Seigneur demeure éternellement[2]. Voici ce qu’il te faut aimer, si tu veux demeurer toujours ; mais, vas-tu me dire : Comment puis-je saisir le Verbe de Dieu ? Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous [3].

2. C’est pourquoi, mes bien-aimés, que le rôle de notre indigence et de notre pauvreté soit de pleurer ceux qui sont riches à leurs yeux. Car leur joie ressemble à celle des frénétiques. Un frénétique se réjouit de sa folie, il en rit ; mais celui qui jouit de son bon sens, pleure sur le sort de cet infortuné. Ainsi devons-nous faire, mes bien-aimés, si nous avons reçu le remède descendu du ciel ; car, tous aussi nous étions des frénétiques ; mais nous avons été guéris, car nous cessons d’aimer ce que nous aimions alors ; gémissons devant Dieu sur le malheur de ceux qui sont encore fous. Aussi bien il est assez puissant pour les guérir à leur tour. Pour cela, il est besoin qu’ils se regardent et qu’ils se déplaisent. Ils veulent voir, et ils ne savent pas se voir eux-mêmes. S’ils veulent jeter un instant

  1. Psa. 73, 21
  2. Psa. 40, 6-8
  3. Jn. 1, 14