Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/380

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Pierre ; car ce nom de Pierre est emprunté à celui de la pierre ; or, cette pierre, c’est l’Église, Ainsi le nom de Pierre préfigurait l’Église. Qui est-ce qui bâtit avec assurance, sinon celui qui bâtit sur la pierre ? En effet, que dit le Seigneur ? « Celui qui écoute mes paroles et les met en pratique, je te comparerai à un homme prudent qui bâtit sur la pierre » (il ne cède pas aux tentations) : « la pluie est tombée, les fleuves sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés sur cette maison, et elle n’est pas tombée ; car elle était fondée sur la pierre. Celui qui écoute mes paroles et ne les met pas en pratique » (ici que chacun de vous tremble et se mette sur ses gardes), « je le comparerai à un insensé qui a bâti sa maison sur le sable : la pluie est tombée, les fleuves sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés sur cette maison, et elle est tombée, et il s’en est fait une grande ruine [1] ». À quoi sert d’entrer dans l’Église, si l’on veut bâtir sur le sable ? En écoutant la parole sans la mettre en pratique, on bâtit, c’est vrai, mais on bâtit sur le sable. Si l’on n’écoute rien, on ne bâtit rien ; si l’on écoute, on bâtit. Mais il faut savoir que quiconque écoute et agit bâtit sur la pierre, celui qui écoute et n’agit pas bâtit sur le sable. Il y a donc deux sortes d’hommes qui bâtissent, les uns bâtissent sur le sable, les autres bâtissent sur la pierre. Que dire de ceux qui n’écoutent pas ? Peuvent-ils se croire en sûreté ? Le Sauveur dit-il qu’ils n’ont rien à craindre parce qu’ils ne bâtissent pas ? Ils sont sans abri, exposés aux vents, aux fleuves, et lorsque la tourmente arrive, elle les enlève eux-mêmes avant que de renverser les maisons. Il n’y a donc de sécurité qu’à bâtir et à bâtir sur la pierre. Si tu veux écouter sans rien faire, tu bâtis, mais tu prépares une ruine. Lorsque la tentation surviendra, elle renversera ta maison et t’engloutira sous ses décombres, Si tu n’écoutes pas, tu es sans abri, et c’est toi que la tentation emportera tout d’abord. Écoute donc et agis, voilà l’unique remède. Combien peut-être qui, pour avoir écouté sans agir, ont été emportés par le torrent de la solennité de ce jour ! Ils ont écouté et n’ont rien tait, le fleuve, c’est-à-dire l’anniversaire de cette solennité est venu ; le torrent s’est rempli ; il passera et se desséchera ensuite ; mais malheur à celui qu’il aura emporté ! Que votre charité ne l’ignore pas : à moins d’écouter et d’agir, on ne bâtit pas sur la pierre, et l’on n’a rien de commun avec ce nom si grand que le Seigneur a mis si bien en relief. Par là il a voulu fixer ton attention ; car si dès le premier abord Pierre avait porté ce nom, tu ne saisirais pas aussi bien le mystère de la pierre, et tu supposerais que s’il portait ce nom, c’était par un effet du hasard, et non par une disposition spéciale de la Providence. C’est pourquoi Dieu a voulu que son Apôtre eût d’abord un autre nom, afin que le changement de ce nom fît mieux ressortir le mystère du nom nouveau.
15. « Et le lendemain Jésus voulut s’en aller en Gaulée, et il rencontra Philippe. Il lui dit : Suis-moi. Or, Philippe était de la même ville qu’André et Pierre. Philippe » (déjà appelé par Jésus-Christ) « rencontra Nathanaël, et il lui dit : Celui dont a écrit Moïse dans la loi, et que les Prophètes ont annoncé, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph ». Il passait pour le fils de celui à qui sa Mère était mariée. Mais qu’il ait été conçu et qu’il soit né de cette Mère demeurée Vierge, c’est ce que tous les chrétiens savent d’après l’Évangile. Voilà ce que Philippe dit à Nathanaël au sujet de Jésus, en y ajoutant même le nom de son pays : « De Nazareth. Et Nathanaël lui dit : De Nazareth il peut venir quelque chose de bon ? ». Que faut-il entendre par là, mes frères ? Il ne faut pas construire cette phrase comme plusieurs la construisent, car d’ordinaire c’est par mode d’interrogation qu’on prononce : « De Nazareth peut-il venir quelque chose de bon ? » Après quoi vient la réplique de Philippe : « Viens et vois ». Ces deux derniers mots peuvent suivre les précédents, n’importe laquelle des deux manières de prononcer la phrase on aime mieux adopter. Soit que Nathanaël ait dit, avec le ton de l’affirmation : « De Nazareth peut venir quelque chose de bon », soit qu’il ait dit, comme en interrogeant : « Quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth », Philippe peut avoir ajouté : « Viens et vois ». Aussi, comme l’un et l’autre énoncés conviennent également bien aux paroles qui suivent, c’est à nous de chercher comment nous devons les entendre de préférence.
16. Quel a été ce Nathanaël, nous le montrons par ce qui suit. Écoutez, voici ce qu’il

  1. Mt. 7, 24-27