Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/390

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bon, par ceux que nous avons mis les premiers en avant, et auxquels nous avons déjà en grande partie répondu. Cependant, pour leur ôter cette idée que nous n’avons rien à dire sur cette réponse de Notre-Seigneur à sa mère, nous allons achever de vous prémunir contre eux ; car, pour les réfuter, je crois que ce que nous avons dit jusqu’ici est suffisant.
9. Pourquoi donc le fils dit-il à sa mère : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». Notre-Seigneur Jésus-Christ était Dieu et homme tout ensemble. En tant que Dieu, il n’avait pas de mère, en tant qu’homme il en avait une. Elle était donc la mère de son corps, la mère de son humanité, la mère de l’infirmité qu’il a prise à cause de nous. Or, le miracle qu’il allait faire, il allait le faire selon sa divinité, et non selon son humanité ; en tant qu’il était Dieu, et non en tant qu’il était né dans la faiblesse. Toutefois, ce qui est faible en Dieu est plus fort que tous les hommes [1]. Sa mère lui demanda donc un miracle ; mais comme il allait faire une œuvre divine, il sembla oublier qu’il était né d’elle et lui dire : Ce qui en moi fait des miracles, vous ne l’avez pas enfanté ; ce n’est pas vous qui avez donné l’être à ma divinité ; mais comme vous avez donné le jour à mon infirmité, je vous reconnaîtrai lorsque mon infirmité sera attachée à la croix ; voilà le sens de ces mots : « Mon heure n’est las encore venue ». Alors, en effet, il l’a reconnue, quoiqu’il ne l’eût jamais méconnue. Avant de naître d’elle, et au moment où il la prédestinait, il l’avait connue comme sa mère avant de créer, comme Dieu, celle dont il devait être formé comme homme, il la connaissait comme sa mère ; mais à une certaine heure, il la méconnaît mystérieusement, comme encore à une certaine heure qui n’était pas encore venue, il devait mystérieusement la reconnaître. Alors, en effet, il la reconnut, lorsque mourait ce qu’elle avait enfanté ; car ce qui mourut en ce moment, ce fut non pas ce qui avait formé Marie, mais ce qui avait été formé de Marie ; non pas la divinité, mais l’infirmité de la chair. Il a donc répondu ainsi, afin de distinguer en lui, dans la foi de ceux qui devaient croire, ce qu’il était, de celle par qui il était venu. Le Dieu et Seigneur du ciel et de la terre a donc eu pour mère une femme. Comme Seigneur du monde, comme Seigneur du ciel et de la terre, il est aussi le Seigneur de Marie ; comme Créateur du ciel et de la terre, il est aussi le Créateur de Marie ; mais en tant que s’appliquent à lui ces paroles : « Formé d’une femme, formé sous la loi [2] », il est le fils de Marie. Le Seigneur de Marie est en même temps le fils de Marie ; celui qui a créé Marie a été formé de Marie. Ne sois pas surpris de voir qu’il soit à la fois son fils et son Seigneur ; car s’il a été appelé le fils de Marie, il a été aussi appelé le fils de David, et il a été le fils de David précisément parce qu’il a été le fils de Marie. Entends l’Apôtre ; il dit formellement « qu’il lui est né de la race de David selon la chair [3] ». Écoute encore : Il a été aussi appelé le Seigneur de David. Que David le dise lui-même : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite[4] ». Et Jésus lui-même a proposé ce passage aux Juifs, et s’en est servi pour les confondre[5]. Comment donc est-il en même temps le fils et le Seigneur de David ? Il est le fils de David selon la chair, il en est le Seigneur selon la divinité. Il est pareillement le fils de Marie selon la chair, et son Seigneur selon la majesté. Comme Marie n’était pas la mère de la divinité, et comme c’était la divinité qui devait opérer le miracle demandé par Marie, il lui dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » Ne croyez pas cependant que je vous renie pour ma mère : « Mon heure n’est pas encore venue ». Je vous reconnaîtrai au moment où mon infirmité, dont vous êtes la mère ; sera attachée à la croix. Voyons si cela est vrai. Quand fut venue l’heure de la passion du Christ, voici ce qui se passa d’après le témoignage de l’Évangéliste même qui connaissait la mère du Seigneur et qui nous la représente maintenant comme assistant aux noces : « La mère de Jésus était près : de la croix, et Jésus dit à sa mère : Femme, voici votre fils ; et au disciple : Voici votre mère [6] ». Il recommande sa mère à son disciple, car il devait mourir avant elle et ressusciter avant sa mort ; il la recommande à Jean ; homme, il recommande à un homme l’humanité d’où il est sort !. Voilà ce que Marie avait enfanté. Alors était venue l’heure dont il dit aujourd’

  1. 1 Cor. 1, 25
  2. Gal. 4, 4
  3. Rom. 1, 3
  4. Ps. 59, 1
  5. Mt. 22, 45
  6. Jn. 19, 25-27