Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/398

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sans peine. Je l’ai dit, nous avons chanté tout à l’heure ces paroles si positives : « Levez-vous, Seigneur, jugez la terre, toutes les nations seront votre héritage [1] ». Et par là les Donatistes sont comme rejetés des noces. En effet, l’homme dépourvu de la robe nuptiale, qui vint aux noces après avoir été invité, en fut chassé parce qu’il n’était pas vêtu de manière à faire honneur à l’Époux. De même en est-il de celui qui cherche sa propre gloire, et non la gloire de Jésus-Christ. Il n’a pas la robe nuptiale, car il refuse de s’associer à la parole de l’ami de l’Époux et de dire avec lui : « C’est celui-là qui baptise[2] ». Celui qui n’avait pas la robe nuptiale mérita de s’entendre donner par reproche un titre auquel il n’avait pas droit : « Mon ami, pourquoi es-tu venu ici ? » Et de même qu’il demeura muet[3] à cette question, ainsi les Donatistes demeurent muets à leur tour. En effet, à quoi bon remuer les lèvres et tant parler, si le cœur reste muet ? Car ils savent bien intérieurement qu’ils n’ont rien à répondre. Aussi restent-ils muets au dedans, quoiqu’ils fassent beaucoup de bruit au-dehors. Ils entendent, bon gré mal gré, chanter parmi eux ces paroles : « Levez-vous, Seigneur, jugez la terre, parce que toutes les nations vous seront données en héritage ». Ainsi, se séparant de la communion de toutes les nations, qu’apprennent-ils sinon qu’ils ne font plus partie de cet héritage ?
14. J’ai donc dit, mes frères, que les prophéties regardaient toutes les nations de la terre ; mais je veux vous montrer que ces paroles : « Elles contenaient deux ou trois mesures », ont encore un autre sens. Les prophéties, dis-je, ont trait à toutes les nations ; nous venons de le prouver en ce qui concerne Adam ; car « il était la figure de l’autre Adam ». Qui ne sait, en effet, que de lui sont sorties toutes les nations, et que les quatre lettres de son nom désignent les quatre parties du monde telles que les appelaient les Grecs. Car si vous prononcez en grec les mots : Orient, Occident, Midi, Nord, dénominations sous lesquelles en différents endroits l’Écriture désigne ces quatre parties du monde, vous le verrez, les premières lettres de ces mots vous donnent celui d’Adam. En effet, voici comment se nomment, dans la langue grecque, les quatre points cardinaux : anatole, dusis, arktos, mesembria.
15. Pour ce qui est du cinquième âge représenté par la cinquième urne, Daniel voit une pierre détachée de la montagne sans qu’aucune main y ail part ; cette pierre brise dans sa chute tous les royaumes de la terre, et elle grossit au point de devenir une grande montagne, si grande qu’elle couvre toute la surface de la terre [4]. Mes frères, y a-t-il rien de plus clair ? Une pierre se détache de la montagne. C’est cette pierre mise au rebut par ceux qui bâtissent, et qui est devenue la tête de l’angle[5]. De quelle montagne est-elle détachée, sinon du royaume des Juifs, au sein duquel Jésus-Christ est né selon la chair ? Elle s’en détache sans le secours d’aucune main d’homme, car Jésus-Christ est né d’une vierge sans le concours charnel d’aucun homme. La montagne dont cette pierre est détachée ne couvrait point toute la terre, parce que le royaume des Juifs ne s’étendait pas à toutes les nations. Mais nous voyons le royaume de Jésus-Christ occuper toutes les parties de l’univers.
16. Reste le sixième âge, auquel appartient Jean-Baptiste, le plus grand des enfants des hommes, de qui il a été dit : « Il est plus grand qu’un prophète[6] ». Comment, à son tour, Jean montre-t-il que Jésus-Christ a été

  1. Ps. 81, 8
  2. Jn. 1, 33
  3. Mt. 22, 11-13
  4. Dan. 2, 34, 35
  5. Ps. 117, 22
  6. Mt. 11, 9-11