Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/404

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 Qu’ils disent donc toujours : Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur ».
8. Les hérétiques se servent des Écritures mêmes pour tromper les peuples, pour en recevoir des honneurs et des louanges, au lieu de chercher à ramener les hommes à la vérité. Et comme ils se servent des Écritures pour tromper les peuples et en obtenir des honneurs, ils vendent les bœufs, ils vendent aussi les brebis, c’est-à-dire les peuples eux-mêmes. Et à qui les vendent-ils, si ce n’est au diable ? Car, mes frères, s’il n’y a qu’une Église du Christ, elle doit être une ; tout ce qui s’en détache, se trouve emporté, et par qui ? Par le lion rugissant, qui tourne et cherche quelqu’un à dévorer [1]. Malheur à ceux qui se détachent de l’Église ; pour elle, elle demeure dans son entier ; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui [2]. Cependant, autant que cela dépend d’eux, ces trafiquants vendent les bœufs, les brebis et aussi les colombes : qu’ils prennent garde au fouet formé par leurs péchés. S’il leur arrive d’être frappés, en punition de leurs iniquités, puissent-ils reconnaître dans leurs péchés les cordes dont Dieu a fait un fouet pour les flageller ! Puissent-ils reconnaître qu’il les avertit de se convertir et de renoncer à leur trafic ! Car s’ils ne se convertissent pas, ils entendront à leur mort cet arrêt : « Liez-leur les pieds et les mains, et jetez-les dans les ténèbres extérieures ».
9. « Alors les disciples se souvinrent qu’il était écrit : Le zèle de votre maison m’a dévoré ». C’est, en effet, par le zèle de la maison de Dieu que le Seigneur chassa du temple ces vendeurs. Mes frères, que chaque chrétien, puisqu’il est membre du Christ, soit dévoré du zèle de la maison de Dieu. Qui est-ce qui est dévoré du zèle de la maison de Dieu ? Celui qui, voyant ici-bas quelque dérèglement, s’efforce de le corriger, désire l’amendement des pécheurs et ne prend aucun repos, tant qu’ils ne sont pas convertis ; et s’il ne peut parvenir à les rendre meilleurs, il les supporte en gémissant. Car le bon grain n’est pas jeté hors de l’aire, il y endure le voisinage de la paille, et plus tard, quand on l’a séparé d’avec elle, il entre dans le grenier. Pour toi, si tu es un bon grain, ne désire pas, avant le moment d’être enfermé au grenier, être jeté hors de l’aire ; car les oiseaux te mangeraient, et l’on n’aurait pas le temps de te mettre au grenier. Les puissances aériennes sont comme les oiseaux du ciel, elles épient l’heure propice où elles pourront enlever le grain ; mais elles ne le peuvent que s’il est battu hors de l’aire. Que le zèle de la maison de Dieu te dévore donc ; que le zèle de la maison de Dieu, dont il est membre, dévore chaque chrétien ; car aucune maison n’est plus véritablement tienne que celle où lu as le salut éternel. Tu entres dans ta maison pour y trouver le repos du temps, tu entres dans la maison de Dieu pour y trouver le repos de l’éternité. Si tu fais en sorte qu’aucun désordre n’ait lieu dans ta maison ; dans la maison de Dieu où l’on te propose le salut et un repos éternel, supporteras-tu, autant du moins que cela dépendra de toi, qu’il s’y passe quelque désordre sous tes yeux ? Par exemple, tu vois ton frère courir au théâtre ; si le zèle de la maison de Dieu te dévore, empêche-le, avertis-le, montre-toi affligé. En vois-tu d’autres courir pour aller s’enivrer, et prêts à faire dans l’Église ce qui n’est permis nulle part ; empêche ce que tu peux, arrête ceux que tu peux arrêter, effraie ceux que tu peux effrayer, retiens par des caresses ceux que tu peux retenir ; au moins, ne consens jamais à demeurer tranquille. Est-ce un ami ? avertis-le avec douceur. Est-ce ta femme ? réprime ses écarts avec la dernière sévérité. Est-ce ta servante ? ne crains pas de l’arrêter, même par des châtiments. Fais tout ce que tu peux, eu égard à la qualité des personnes, et tu justifieras pleinement cette parole : « Le zèle de votre maison m’a dévoré ». Que si, au contraire, tu demeures froid, indifférent, attentif à toi seul, satisfait comme s’il ne s’agissait que de toi et comme te suffisant à toi-même, te disant Ai-je besoin de m’inquiéter des péchés d’autrui ? mon âme me suffit ; c’est assez pour moi de la conserver entière pour Dieu, je te dirai : C’est très-bien, mais ne te souvient-il plus de ce serviteur qui cacha son talent et refusa de le faire valoir ? De quoi fut-il accusé ? De l’avoir perdu ? Non ; mais de l’avoir conservé sans en tirer profit [3]. Apprenez donc par cet exemple, mes frères, à n’être pas les indolents témoins du péché de vos frères. Je vais vous donner un

  1. 1 Pi. 5, 8
  2. 2 Tim. 2, 19
  3. Mt. 25, 25-30