Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/42

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que nous soyons déjà fils de Dieu[1], car notre vie est cachée en Dieu avec le Christ[2] : « Nous sommes regardés d’en haut », c’est-à-dire accablés de mépris par ceux qui cherchent où qui possèdent leur félicité ici-bas.
9. « Notre âme est étrangement accablée, en butte aux opprobres du riche, aux dédains de l’orgueilleux ». Nous cherchons quels sont les riches, et le Prophète nous l’explique en désignant les orgueilleux. Or, l’opprobre est identique au dédain, et le riche identique à l’orgueilleux. Il y a donc une répétition dans cette phrase : « l’opprobre du riche, le dédain de l’orgueilleux ». Comment les orgueilleux sont-ils riches ? Parce qu’ils veulent être heureux ici-bas. Quoi donc ! sont-ils riches, même dans la misère ? Peut-être que dans le malheur ils ne nous insultent pas. Que votre charité veuille m’écouter. Les riches nous insultent quand ils sont heureux, quand ils étalent fastueusement leurs richesses, quand ils s’élèvent dans la vanité de leurs faux honneurs ; c’est alors qu’ils nous insultent, qu’ils semblent nous dire : voilà que tout me réussit, je jouis des biens de cette vie : loin de moi quiconque me promet ce qu’il ne saurait montrer ; je possède ce qui est visible, je jouis de ce que je vois, et vive le bonheur de cette vie ! Pour toi, ô mon frère, tiens-toi plus assuré ; car le Christ est ressuscité, et t’a enseigné ce qu’il te donnera dans l’autre vie ; sois certain qu’il te le donnera. Mais celui qui Possède m’insulte, diras-tu : supporte ses railleries, et un jour tu riras, quand il gémira ; car un temps viendra où ces railleurs diront à leur tour : « Ce sont donc là ceux que nous avons tournés en dérision ». Ainsi est-il écrit au livre de la Sagesse, car l’Écriture a soin de nous préciser ce que diront alors ceux qui nous raillent aujourd’hui, qui nous méprisent, ceux qui nous accablent d’opprobres et de dédain, le langage qu’ils tiendront quand la vérité les dédaignera ; Ils verront en effet briller à la droite ceux qui vivaient méprisés au milieu d’eux ; car alors s’accomplira cette Parole de saint Paul : « Quand le Christ, qui est votre vie, apparaîtra, alors aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloire[3] » ; et ils diront : « Voilà donc ceux que nous avions en mépris, et qui étaient l’objet de nos outrages ! Insensés que nous étions ! nous regardions leur vie comme une folie, et leur fin un opprobre. Comment sont-ils comptés parmi les enfants de Dieu, et leur partage est-il entre les saints ? » Et ils ajouteront en continuant leur plainte : « C’est donc nous qui avons erré loin de la voie de la vérité ; la lumière de la justice n’a pas lui à nos yeux, et le soleil ne s’est point levé pour nous. De quoi nous a servi notre orgueil, et que nous revient-il de l’ostentation de nos richesses[4] ? » Là ce n’est point toi qui les méprises, mais eux-mêmes. Jusque-là, mes frères, levons les yeux vers Celui qui habite dans les cieux ; ne détournons point nos regards, jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié et qu’il nous délivre de toute tentation, de tout opprobre, de tout dédain.
10. Ajoutez à cela que, souvent, ceux-là mêmes qui se trouvent sous le coup des maux de cette vie, veulent nous insulter. Voilà un homme jeté en prison, chargé de chaînes pour ses crimes, ou par un secret jugement de Dieu, ou par une punition visible, il ne laisse pas de nous outrager. Qu’on lui dise Pourquoi n’avoir pas été plus sage ? Voilà où vous amène une vie peu réglée. Pourquoi donc, répondra-t-il, ceux qui vivent saintement subissent-ils les mêmes peines ? Mais ceux-là souffrent parce que Dieu les éprouve, les exerce par la tentation, afin qu’ils marchent dans la vertu sous le fouet de ces châtiments ; « car le Seigneur frappe celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants[5] ». Et s’il a livré à la flagellation son Fils unique, qui était sans péché, s’il l’a livré pour nous tous[6], combien est-il plus juste que nous soyons châtiés, nous qui avons mérité le châtiment ? À cette réponse, ils s’élèvent de nouveau dans l’orgueil de leur malheur même affligés sans en être plus humbles, ils nous disent : Voilà les contes frivoles de ces chrétiens qui croient ce qu’ils ne voient pas. Si nous sommes insultés par ces hommes, est-ce bien là, mes frères, ce que rappelle notre psaume : « L’opprobre des riches, le dédain des orgueilleux ? » Car les chrétiens sont injuriés, même par ceux qui ne sont pas dans l’abondance mais dont la misère, mais dont le malheur ne font point cesser les insultes. Il est donc vrai que nous sommes un opprobre pour les riches ; mais ne s’est-il jamais trouvé un homme sous le poids du malheur pour

  1. Jn. 3,1
  2. Col. 3,3
  3. Id. 4
  4. Sag. 5,3-8
  5. Héb. 12,6
  6. Rom. 8,32