Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/422

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mais le jugement est déjà rendu. Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, il connaît ceux qui sont destinés à recevoir la couronne et ceux qui doivent être jetés dans les flammes ; il sait quel est le froment qui se trouve dans son aire, il sait aussi quelle est la paille, il distingue entre le bon grain et l’ivraie. Celui qui ne croit pas est déjà jugé. Pourquoi ? « Parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu ».
13. « Or, voici le jugement : la lumière est venue en ce monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ; car leurs œuvres étaient mauvaises ». Mes frères, où sont ceux dont le Seigneur trouve les œuvres bonnes ? Nulle part ; car il a trouvé mauvaises les œuvres de tous. Comment donc y en a-t-il eu pour agir selon la vérité et venir à la lumière ? Il y en a eu, puisque le Sauveur ajoute : « Mais celui qui accomplit la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées parce qu’elles sont faites en Dieu ». Comment certains hommes ont-ils opéré le bien, de façon à venir à la lumière, c’est-à-dire à Jésus-Christ ? Comment d’autres ont-ils préféré les ténèbres ? Car si Jésus-Christ trouve tous les hommes pécheurs, s’il les guérit tous de leurs péchés, si le serpent, figure du Sauveur mis en croix, guérissait ceux qui avaient été mordus, si enfin le serpent n’a été élevé qu’en raison de ta morsure des serpents, c’est-à-dire si le Seigneur est mort pour les hommes trouvés par lui dans le péché et condamnés à mourir, quel sens donner à ces paroles : « Voici leur jugement ; la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises ? » Qu’est-ce que cela ? Quels sont ceux dont les œuvres étaient bonnes ? N’êtes-vous pas venu pour justifier des pécheurs ? Mais, ajoute-t-il : « Ils ont préféré les ténèbres à la lumière ». Là se trouve toute la force du raisonnement du Sauveur. Plusieurs, en effet, ont aimé leurs péchés, plusieurs les ont confessés ; or, celui qui confesse ses péchés et s’en accuse, commence à agir conjointement avec Dieu. Dieu accuse tes péchés ; si tu en fais autant, tu te joins à lui. Il y a en nous comme deux choses distinctes : l’homme et le pécheur. Comme homme, nous sommes l’ouvrage de Dieu ; comme pécheurs, nous sommes notre propre ouvrage. Détruis ce que tu as fait, afin que Dieu sauve ce qu’il a créé. Il faut haïr en toi ton œuvre et y aimer l’ouvrage de Dieu. Or, quand ce que tu as fait commencera à te déplaire, alors tu commenceras à faire le bien, puisque tu accuses tes mauvaises œuvres. Le commencement du bien n’est autre chose que la confession du mal. Dès lors que tu fais la vérité, tu ne te trompes pas toi-même, tu ne te flattes pas, tu ne t’en fais pas accroire, lu ne dis pas : Je suis juste, alors que tu es pécheur et que tu commences seulement à faire la vérité. Mais tu viens à la lumière, afin que tes œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu. Car ton péché te déplaît ; mais il ne te déplairait pas, si la lumière de Dieu ne t’éclairait, et si la vérité ne te le montrait à découvert. Mais celui qui, même après cet avertissement, aime encore son péché, hait la lumière qui L’avertit ; il s’en éloigne pour ne point entendre ses reproches an sujet des œuvres mauvaises qu’il aime. Pour celui qui fait la vérité, il condamne ce qu’il y a de mal en lui, il ne s’épargne pas, il ne se pardonne pas ; car il veut que Dieu lui pardonne. En effet, ce dont il désire le pardon de la part de Dieu, il le reconnaît ; il vient à la lumière et il lui rend grâce de lui avoir montré ce qu’il devait haïr en lui-même. Il dit à Dieu « Détournez vos yeux de mes péchés », et de quel front pourrait-il parler de la sorte s’il n’ajoutait aussitôt : « parce que je connais mon iniquité et que mon péché est toujours devant moi [1] ? » Vois ce que tu désires que Dieu ne voie pas. Si tu rejettes derrière toi ton péché, Dieu le remettra devant tes yeux, et il choisira, pour le faire, le moment où il ne te servira plus de rien de t’en repentir.
14. Courez donc, mes frères, de peur que les ténèbres vous surprennent[2]. Réveillez-vous pour opérer votre salut, réveillez-vous tandis que vous le pouvez ; que nul ne se montre lent à venir au temple de Dieu ; que nul ne se montre lent à faire l’œuvre du Seigneur ; que nul ne cesse de prier continuellement ; que nul ne se relâche de sa dévotion accoutumée. Réveillez-vous, puisqu’il fait jour, le jour luit ; ce jour, c’est Jésus-Christ. Il est prêt à excuser, mais ceux qui s’accuseront ; comme aussi à punir ceux qui se défendront, qui se vanteront d’être justes, qui se croiront quelque chose, quand ils ne sont

  1. Ps. 50, 11, 5
  2. Jn. 12, 35