Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/454

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son côté, s’en disait indigne. À celui-ci, Jésus disait : « J’irai et je le guérirai » et à l’autre : « Va, ton fils est guéri ». Il promettait de visiter l’un, et il guérissait l’autre d’une parole ; l’officier cherchait à lui arracher la faveur d’une démarche, le centurion s’en proclamait indigne. Le Christ céda à l’orgueil du premier, et concéda à l’humilité du second la grâce qu’elle n’osait demander. Par ces mots : « Va, ton fils est guéri », Jésus semblait dire à t’officier : Laisse-moi donc tranquille ; et, par ces autres : « Si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point » : Tu prétends me faire entrer dans ta maison, sache qu’il me suffit de parler pour guérir ton fils ; ne réserve donc pas ta foi pour le cas d’un miracle ; car cet étranger, ce centurion a cru qu’il me suffisait d’un mot pour opérer un prodige, et il a eu foi en moi avant même que je le fisse ; et vous, « si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point ». Puisqu’il en est ainsi, que les rameaux orgueilleux se brisent donc, et qu’à leur place soit greffé l’humble olivier sauvage ; pourvu, néanmoins, que demeure toujours la racine, malgré la rupture des uns et l’entêtent de l’autre. Où demeure la racine ? Dans la personne des Patriarches ; en effet, la patrie du Christ n’était autre que le peuple d’Israël, parce que, selon la chair, il en venait ; mais les saints patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, formaient la racine de cet arbre. Et où se trouvent ces personnages ? Dans le sein de la paix, en Dieu, au séjour de la gloire suprême : ils s’y trouvent : aussi, le pauvre Lazare, aidé de la grâce, a-t-il été élevé, après sa mort, jusque dans le sein d’Abraham, et placé là si haut, que, de loin seulement le riche orgueilleux pouvait l’y apercevoir [1]. La racine demeure donc, et elle obtient des éloges ; mais les rameaux superbes ont mérité d’en être retranchés, et de sécher, faute de sève ; quant à l’humble olivier sauvage, il a été greffé au lieu et place des branches rompues.
6. Comment se fait-il que les rameaux naturels aient été coupés, et l’olivier sauvage enté à leur place ? Écoute : l’exemple du centurion, que j’ai cru devoir comparer à l’officier, va te l’apprendre. « En vérité », dit le Sauveur, « en vérité, je vous le dis, je n’ai pas trouvé une foi pareille en Israël ; c’est pourquoi« quoi je vous le déclare, beaucoup viendront d’Orient et d’Occident ». Sur quelle immense étendue de terrain s’étaient portées les branches et les racines de l’olivier sauvage ? Le monde a été une forêt de bois amers ; mais en raison de leur humilité, parce qu’ils auront dit : « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison, beaucoup viendront d’Orient et d’Occident ». Et parce qu’ils viendront, que deviendront-ils ? S’ils doivent venir, c’est qu’ils ont été préalablement coupés dans la forêt : sur quel autre arbre les greffera-t-il pour qu’il ne se dessèche pas ? « Et ils s’assoiront avec Abraham, Isaac et Jacob ». À quelle table ? Car ils doivent être invités à prendre un breuvage qui les fasse vivre toujours, et non pas à s’enivrer. « Ils s’assoiront avec Abraham, Isaac et Jacob ». Où ? « Dans le royaume des cieux ». Alors, qu’adviendra-t-il de ceux qui sont sortis de la souche d’Abraham ? Que fera-t-on des branches qui garnissaient, en grand nombre, le tronc de l’arbre ? Qu’arrivera-t-il ? Évidemment, on les retranchera pour enter à leur place les rameaux de l’olivier sauvage. Apprends donc qu’elles seront coupées : « Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures [2] ».
7. Puisque le Prophète n’a pas été honoré dans sa patrie, honorons-le donc. Il n’a pas été honoré dans le pays où il est né, puisse.-t-il l’être dans la patrie qu’il s’est formée ! Celui qui a donné la vie à tous les hommes, a reçu la vie dans la première, selon la forme d’esclave, cela s’entend. Quand il était Verbe de Dieu dans le sein du Père, il a formé Sion, la ville qui lui a donné le jour, la nation juive, en un mot, Jérusalem. Car « toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Cet homme dont nous nous sommes entretenus aujourd’hui, ce médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme[3], a été prédit même par le Psalmiste en ce passage : « Un homme dira : Mère Sion ». Un homme, l’homme qui sert de médiateur entre Dieu et les hommes, dit : « Mère Sion ». Pourquoi dit-il : « Mère Sion ? » Parce qu’en elle il s’est incarné ; parce qu’en elle est née la Vierge Marie, dans le sein de laquelle il a pris la forme d’esclave et daigné nous apparaître sous les dehors de la plus profonde humilité. « Un homme dit : Mère

  1. Lc. 16, 22, 23
  2. Mt. 8, 5-12,
  3. 1 Tim. 2, 5