Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/464

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et c’était le signe qu’il puiserait dans son divin cœur, la connaissance de mystères plus profonds. Ce privilège consistait à dire du Fils de Dieu des choses capables d’éveiller l’attention des âmes enfantines, mais incapables de leur fournir un aliment qu’elles ne pouvaient encore supporter : des choses propres à occuper et à nourrir des esprits plus développés et arrivés, en quelque sorte, à l’âge viril. Vous avez entendu la lecture des paroles de cet Apôtre, et vous vous souvenez de quelle source elles émanaient. Hier, en effet, on vous a lu ceci : « C’est pourquoi les Juifs cherchaient à faire mourir Jésus, non seulement parce qu’il avait violé le sabbat, mais aussi parce qu’il disait que Dieu était son Père, se faisant égal à Dieu [1] ». Ce qui déplaisait aux Juifs plaisait à son Père, et plaît aussi, sans aucun doute, à tous ceux qui honorent le Fils, comme ils honorent le Père ; car si pareille chose leur déplaisait, ils déplairaient à leur tour. À te déplaire, Dieu ne deviendrait pas plus grand ; mais s’il te déplaisait, tu en deviendrais plus petit. Le Sauveur répond à leur accusation, qui trouvait sa raison d’être, soit dans leur ignorance, soit dans leur méchanceté. Ses paroles ne sont point tout à fait à leur portée, mais elles sont de nature à les jeter dans l’agitation et le trouble, et peut-être à les faire profiter de leur trouble même pour chercher celui qui pouvait les guérir. Elles étaient aussi, dans son intention, destinées à être consignées dans des livres, qui devaient ensuite contribuer à nous instruire. Voyons donc ce qui se passa dans le cœur des Juifs, au moment où ils entendirent ces paroles. Quel effet produisent-elles aujourd’hui en nous ? C’est à nous d’y réfléchir davantage encore. D’où sont venues les hérésies, et certaines erreurs désastreuses, qui angarient les âmes et les précipitent dans l’abîme ? Évidemment, de ce que des Écritures saintes ont été mal comprises, et de ce qu’on a soutenu avec une audacieuse témérité le sens pervers qu’on y attachait. Aussi, mes très chers, devons-nous entendre, avec une scrupuleuse circonspection, les passages que la faiblesse de notre intelligence ne nous permet point de saisir ; que les sentiments de la piété et, comme il est écrit, la crainte de Dieu, nous portent à suivre cette règle salutaire : ce que nous pouvons en comprendre d’accord avec la foi dont nous faisons profession, regardons-le comme un aliment parfaitement sain, et prenons-le avec joie. Si, au contraire, nous appliquons la règle infaillible de la foi, et que ces passages nous offrent encore d’impénétrables obscurités, alors écartons tous les doutes ; ne cherchons pas à les comprendre pour le moment. En d’autres termes, si nous n’y voyons rien, regardons-les néanmoins comme incontestablement bons, comme l’expression même de la vérité. Mes frères, pour moi qui ai entrepris de vous parler, vous devez bien considérer qui je suis, et, aussi, la tâche que je me suis imposée : je ne suis qu’un homme, et je veux vous entretenir des choses divines ; je suis charnel, et je veux développer devant vous un sujet tout spirituel ; je mourrai, et j’ai pris pour thème de mon discours l’éternité même. Puissé-je, mes très chers, me tenir à l’abri de toute vaine présomption, afin de vous enseigner une saine doctrine dans la maison de Dieu, c’est-à-dire, dans son Église, qui est la colonne et le fondement de la vérité[2]. Je prendrai pour mon guide la règle de conduite que je vous ai tracée à vous-mêmes : là où le sens de l’Écriture sera à ma portée, je m’en nourrirai avec vous ; et je frapperai avec vous, quand la porte m’en sera fermée.

2. Les Juifs s’émurent donc et s’indignèrent ; ils l’eussent fait à juste titre, si Jésus eût été un pur homme, et se fût, comme tel, vanté d’être égal à Dieu ; mais leur colère tombait à faux, parce que sous son enveloppe humaine ils auraient dû apercevoir sa divinité. Ils voyaient l’homme, et méconnaissaient le Dieu : ils avaient sous les yeux la maison, mais ils n’apercevaient point celui qui l’habitait. Le corps du Christ était un temple à l’intérieur duquel résidait la divinité. Ce que Jésus déclarait égal à son Père, ce n’était pas son humanité : ce qu’il comparait au Très-Haut, c’était, non pas la forme d’esclave dont il s’est revêtu à cause de nous, mais ce qu’il était au moment où il nous a créés. Car qui est le Christ ? Je parle à des catholiques : vous le savez donc, puisque vous suivez les enseignements de la vraie foi : le Christ n’est ni le Verbe seul, ni l’Homme seul ; il est le Verbe fait chair pour habiter parmi nous le vous rappelle ce que vous savez relativement au Verbe : « Au commencement était le

  1. Jn. 5, 18
  2. 1 Tim. 3, 15