Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/465

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Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Voilà la preuve de son égalité avec son Père. Mais « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous [1] ». Comme homme, il est inférieur à son Père. Ainsi, le Père est en même temps égal au Christ, et plus grand que lui : il lui est égal, en tant que celui-ci est le Verbe : il est plus grand que lui, en tant que celui-ci est homme : il est égal à celui par qui il nous a faits ; mais il est plus grand que celui qui a été fait pour nous. Voilà ce que nous enseigne la vraie foi catholique : voilà la règle de croyance que vous devez particulièrement connaître : et si vous la connaissez, puissiez-vous vous y tenir toujours, ne jamais vous en écarter, ne jamais vous la laisser enlever par n’importe quel raisonnement ! Conformons à cette règle tout ce que nous comprenons ; et, s’il est des choses que nous ne puissions saisir, remettons à un autre temps, pour les y rapporter attendons que l’intelligence nous en soit donnée. Nous savons donc que le Fils de Dieu est égal à son Père, puisqu’au commencement le Verbe était Dieu. Pourquoi donc « les Juifs voulaient-ils le faire mourir ? Non-seulement parce qu’il violait le sabbat, mais aussi parce qu’il disait que Dieu était son Père, se faisant égal à Dieu ». En lui, ils voyaient l’homme, sans y voir le Verbe. Que le Verbe se serve donc de son humanité pour leur parler et les convaincre d’erreur. Que celui qui habite l’intérieur de la maison emploie cette maison même pour se faire entendre ; alors ceux qui en seront capables apprendront quel en est le maître.
3. Que leur dit-il donc ? « C’est pourquoi Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire par lui-même qu’il ne le voie faire au Père ». À cela que répliquèrent les Juifs ? L’Écriture n’en fait pas mention : peut-être gardèrent-ils le silence. Néanmoins, certains personnages, qui se disent chrétiens, ne se taisent pas, et, de ces paroles du Sauveur, ils s’imaginent pouvoir tirer des arguments contre nous. Ni pour eux, ni pour nous, nous ne pouvons laisser de tels arguments sans réponse. À entendre les hérétiques Ariens, le Fils, qui s’est fait homme, est inférieur au Père, non point par le fait même de son Incarnation, mais même dès avant son Incarnation, et il n’est nullement de la même substance que le Père : les paroles précitées leur fournissent un prétexte d’attaque, et ils nous répondent : Vous le voyez : à peine le Seigneur Jésus eut-il remarqué l’émotion qu’il avait suscitée parmi les Juifs en se déclarant égal au Père, qu’il se hâta d’ajouter les paroles en question pour leur démontrer qu’il n’avait jamais eu pareille intention. Les Juifs s’indignaient contre le Christ, parce qu’il se disait égal à Dieu ; pour calmer leur émotion, et leur prouver que le Fils n’est pas égal au Père, c’est-à-dire à Dieu, Jésus leur adressa en quelque sorte ces paroles : Pourquoi vous irriter ? Pourquoi vous indigner contre moi ? Je ne suis pas son égal, puisque « le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ». En effet, ajoutent-ils, celui qui « ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père », est évidemment inférieur à lui, et n’est pas son égal.
4. Ainsi, la règle suivie par ces hérétiques est tordue et pliée ; néanmoins qu’ils nous écoutent : nous ne les réprimandons pas encore, nous semblons être encore à la recherche de la vérité ; qu’ils nous expliquent toute leur pensée. Qui que tu sois, (car supposons que l’un de ces Ariens se trouve là, devant nous), tu reconnais avec nous, j’imagine, qu’au commencement était le Verbe. – Oui, me dit-il. – Et que « le Verbe était en Dieu ». – Oui, encore. – Continue donc, et reconnais plus formellement encore que « le Verbe était Dieu ». – Je le reconnais, mais l’un était plus grand, et l’autre moindre. – Cela sent je ne sais quoi de païen, et pourtant je croyais parler avec un chrétien, S’il y a un Dieu plus grand, il y a évidemment aussi un Dieu moindre : nous adorons donc, non pas un seul Dieu, mais deux dieux. – Pourquoi cela, me répond l’Arien ? N’avoues-tu pas toi-même qu’il y a deux Dieux égaux l’un à, l’autre ? – Je ne dis pas cela : car je me fais de cette égalité entre le Père et le Fils une idée telle que je les regarde comme unis ensemble par les liens d’une indivisible charité ; et puisqu’à mes yeux règne entre eux une indivisible charité, je reconnais donc qu’en eux se trouve une parfaite unité. En effet, s’il est vrai de le dire, comme les actes des Apôtres l’affirment en ces termes, au sujet des fidèles qui croyaient en Jésus, et s’aimaient les uns les autres : « Ils n’avaient

  1. Jn. 1, 1-14