Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/481

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disparaîtra pour ne laisser apercevoir que le Fils de l’homme, « parce qu’il a reçu le pouvoir même de rendre le jugement ». De ce que le Fils de l’homme se manifestera seul dans la forme d’esclave, et aussi parce que le Père ne s’est pas revêtu de notre humanité, le Père ne se laissera pas voir au jour du jugement. Voilà pourquoi le Sauveur a dit plus haut : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout le jugement au Fils ». Nous avons donc été bien inspirés d’attendre, puisqu’il nous a expliqué lui-même ce qu’il nous avait dit. Pour commencer, ces paroles étaient obscures pour nous ; maintenant nous comprenons, ce me semble, ce qu’il a voulu nous dire : « Le Père lui a donné le pouvoir même de rendre le jugement ; en effet, le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils tout le jugement », car il fera le jugement avec la forme humaine que n’a point le Père. De quel jugement est-il ici question ? « Que cela « ne vous étonne pas ; l’heure vient » : non pas l’heure présente où doivent ressusciter les âmes, mais l’heure à venir où les corps sortiront vivants du tombeau.
17. Que le Christ s’exprime à ce sujet d’une manière plus claire encore, afin d’ôter à l’hérétique qui nie la résurrection de la chair tout prétexte d’attaquer noire foi : que ses paroles, déjà comprises, brillent d’un nouvel éclat. Lorsque, précédemment, il eut dit : « L’heure vient », il ajouta : « et elle est déjà venue ». Maintenant il dit : « L’heure vient », sans ajouter : « Et elle est déjà venue ». Toutefois, que par la claire manifestation de la vérité, il ôte à nos ennemis toute occasion, tout moyen de prise sur nous ; qu’il fasse disparaître toutes les subtilités à l’aide desquelles ils voudraient nous embarrasser. « Que cela ne vous étonne pas : l’heure vient, où tous ceux qui sont dans les tombeaux ». Y a-t-il rien de plus évident, de plus formel ? Ce sont les corps qui se trouvent dans les tombeaux ; les âmes, quelles qu’elles soient, justes ou pécheresses, n’y sont pas. L’âme du juste a été reçue dans le sein d’Abraham ; celle du méchant était tourmentée dans l’enfer [1] ; dans le tombeau ne s’est trouvée ni l’une ni l’autre. Je vous en prie, faites attention aux paroles qu’il a précédemment prononcées : « L’heure vient, et elle est déjà venue ». Vous le savez, mes frères : c’est par le travail qu’on arrive à se procurer le pain matériel ; pour le pain de l’âme, que de peines il faut s’imposer ! Il vous en coûte pour rester là et prêter attention à nos paroles ; mais pour rester ici et vous parler, il nous en coûte bien davantage. Puisque nous travaillons pour vous, ne devez-vous pas unir vos efforts aux nôtres, afin d’atteindre au même but ? Après avoir dit, précédemment : « L’heure vient », et avoir ajouté : « et elle est déjà venue », comment a continué le Sauveur ? « Où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’entendront vivront ». Il n’a pas ajouté : Tous les morts l’entendront, et ceux qui l’entendront vivront : il voulait parler des pécheurs morts à la grâce. Mais tous les pécheurs écoutent-ils l’Évangile ? L’Apôtre dit formellement : « Tous n’obéissent pas à l’Évangile [2] ? » Néanmoins, ceux qui écoutent, vivront, parce que tous ceux qui obéissent à l’Évangile passeront par la foi, dans le sein de la vie éternelle ; mais tous ne lui obéissent pas, et c’est maintenant ; mais, à la fin des temps, « tous ceux qui sont dans les tombeaux », c’est-à-dire, les justes et les pécheurs, « entendront sa voix et sortiront ». Pourquoi n’a-t-il pas voulu dire : « Et ils vivront ? » C’est que, si tous doivent sortir de leurs tombeaux, tous ne vivront pas. Quand il a dit plus haut « Et ceux qui auront écouté, vivront », il a voulu nous faire comprendre qu’écouter la voix du Fils de Dieu, c’est avoir la vie éternelle et bienheureuse que ne posséderont point tous ceux qui sortiront des tombeaux. De cette mention des tombeaux et de ce fait que les morts en sortiront, nous devons, sans hésiter, conclure à la résurrection des corps.
18. « Tous entendront sa voix et sortiront ». Où sera le jugement, si tous doivent entendre et sortir ? Tout ici me semble confusion ; rien ne me paraît clairement défini. Évidemment, vous avez reçu le pouvoir de juger, puisque vous êtes le fils de l’homme : vous assisterez au jugement ; les corps ressusciteront ; dites-nous donc quelque chose du jugement lui-même, c’est-à-dire du discernement qui se fera alors entre les bons et les méchants. Écoute encore ceci : « Ceux qui auront bien fait, en sortiront pour la résurrection de la vie, mais ceux qui auront mal fait, en sortiront pour la résurrection du jugement ». En parlant, plus haut, de la résurrection des

  1. Lc. 16, 22-25
  2. Rom. 10, 16