Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lequel tu l’as persécuté, va te tourmenter aussi, par la crainte qu’un autre persécuteur ne le ravisse. Tu considères combien cet homme est riche ; mais si tu le poursuis parce qu’il est riche, crains à Ion tour de t’enrichir, de peur d’être la proie d’un autre. Tout cela est donc vain. Cherches-en la fin, tu ne verras que ténèbres ; cherche la cause, et tu ne trouveras rien.
11. Que ceux-là donc se réjouissent, qu’ils tressaillent dans le Seigneur, ceux qui disent : « Notre âme a traversé une eau sans substance », et qu’ils recouvrent leur substance. Ils l’ont perdue en vivant dans la profusion, mais leur père en est-il appauvri ? Qu’ils reviennent, et ils retrouveront près de lui ces richesses qu’ils ont dissipées au loin avec les prostituées ; qu’ils échappent à l’eau sans substance et qu’ils disent : « Béni soit le Seigneur qui ne nous a pas livrés à leurs dents comme une proie[1] ». Nos persécuteurs étaient des chasseurs qui avaient couvert leurs pièges d’un appât. De quel appât ? Des plaisirs de cette vie, afin que ces plaisirs nous fissent donner tête baissée dans l’iniquité, et prendre aux pièges. Mais ce ne sont point ces hommes, en qui était le Seigneur, ceux qui disaient : « Si le Seigneur n’eût été avec nous », qui sont pris aux pièges. Que le Seigneur soit avec toi, et toi non plus tu ne seras point pris dans ces filets ; crie bien haut : « Béni soit le Seigneur qui ne nous a point livrés à leurs dents comme une proie ».
12. « Notre âme, semblable au passereau, s’est échappée du piège des chasseurs[2] ». Car en cette âme était le Seigneur, et dès lors, semblable au passereau, elle a pu s’arracher au piège. Pourquoi comme le passereau ? Avec l’imprudence du passereau elle était tombée dans les rets, et dès lors elle pouvait dire : Que Dieu veuille me pardonner. Oiseau inconstant, repose ton pied sur la pierre, ne va pas au piège tendu. Te voilà pris, épuisé, broyé. Que le Seigneur te soit en aide, et il te délivrera de menaces plus effrayantes, du piège des chasseurs. On voit quelquefois l’imprudent oiseau se poser sur le piège, alors on fait du bruit pour l’en chasser ; ainsi en était-il des martyrs, dont quelques-uns penchaient vers les douceurs de la vie ; le Seigneur, qui était en eux, faisait retentir le bruit de l’enfer, et le passereau s’échappait du piège des chasseurs : « Notre âme, semblable au passereau, s’échappait du piège des chasseurs ». Eh quoi donc ! Ce filet doit-il demeurer éternellement ? Ce piège était la douceur de cette vie : sans se laisser prendre au piège, ils ont enduré la mort ; et cette mort a brisé le piège ; et la vie n’a plus eu pour les prendre aucun attrait qui pût les charmer : le piège était brisé ; mais l’oiseau l’était-il aussi ? Point du tout, car il n’était plus dans le filet : « Le piège a été rompu et nous avons été délivrés ».
13. Qu’ils chantent maintenant leur délivrance, qu’ils volent vers Dieu, qu’ils triomphent dans ce même Dieu qui les a délivrés ; car le Seigneur était en eux pour les délivrer du piège. Pourquoi le lac est-il rompu, et sommes-nous délivrés ? Veux-tu savoir pourquoi ? C’est que « notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre[3] ». Si notre secours n’était en lui, le filet n’eût point duré toujours sans doute, mais le passereau une fois pris eût été broyé. Car cette vie doit passer, et tous ceux qui se seront laissé prendre à ses attraits, et qui dès lors auront péché contre Dieu, passeront avec cette vie : ce piège sera donc brisé, soyez-en certains, toute la douceur de cette vie disparaîtra, quand finira le temps marqué pour sa durée : ayez donc soin de ne point vous y attacher maintenant, afin qu’à la rupture du filet vous puissiez chanter avec joie : « Le lac est rompu et nous voilà délivrés ». Mais ne t’imagine pas que tu le puisses par les forces ; vois plutôt de qui tu as besoin pour être délivré (car l’orgueil te jettera dans le piège), et dis alors : « Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre ».
11. Notre psaume est terminé, et autant que le Seigneur a daigné m’aider, il est expliqué. Mais demain nous devons prêcher encore, votre charité le sait très bien ; revenez donc, et soutenez-moi de vos prières. Vous vous souvenez en effet de ma promesse, et je ne vous dirais point d’avance le sujet de mon discours, si je n’avais besoin du secours de votre foi et de vos prières. Je vous ai promis, il vous en souvient, de vous expliquer ces paroles de l’Évangile : « La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ[4] ». Les hérétiques, et surtout les Manichéens, jettent le blâme sur la loi,

  1. Ps. 123,6
  2. Id. 7
  3. Ps. 123,8
  4. Jn. 1,17