Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/513

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celui-ci fasse, le Fils aussi le fait comme lui ». Le ciel, la terre, la mer et tout ce que le ciel, la terre et la mer renferment ; les animaux qui vivent sur la terre, les plantes qui croissent dans les champs, les poissons qui nagent dans l’eau, les oiseaux qui volent dans les airs, les astres du firmament, et, par-dessus tout cela, les Anges, les Vertus, les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances, « toutes choses », en un mot « ont été faites par lui ». Dieu a-t-il fait toutes ces créatures, et, après leur avoir donné l’existence, les a-t-il montrées à son Fils, afin que celui-ci fît sortir du néant tin autre monde rempli d’êtres pareils ? Évidemment non ; alors, pourquoi dire : « Quelque chose que le Père fasse, le Fils fait cela », non pas autre chose, mais « cela pareillement », et non d’une manière différente ; « car le Père aime le Fils et lui montre ce qu’il fait lui-même ». Le Père enseigne au Fils la manière de ramener les âmes à la vie, parce qu’elles y reviennent par le Père et le Fils, et qu’elles ne peuvent vivre sans puiser en Dieu le principe de la vie. Si donc elles vivent à la seule condition de trouver dans le Seigneur la source de leur existence, comme les corps ne vivent qu’à la condition d’être animés par elles, le Père fait par son Fils ce qu’il lui apprend à faire, c’est-à-dire ce qu’il fait lui-même. En effet, ce n’est pas en agissant qu’il apprend à son Fils la manière d’agir ; mais en l’apprenant à son Fils, il se sert de lui pour le faire De la sorte, le Fils reçoit l’enseignement du Père avant d’en voir l’action, et de la démonstration du Père, comme de la perception intellectuelle du Fils, résulte ce que le Père fait par le Fils. De là il est facile de coin prendre comment les âmes reviennent à la vie, si l’on peut se faire une idée de cette unité d’action qui existe entre le Père et le Fils. Le Père enseigne, le Fils comprend, et l’effet de la démonstration du Père et de la perception intellectuelle du Fils, c’est la formation de la créature ; conséquemment, le Père agit par le Fils, et son œuvre est la suite nécessaire de l’enseignement du Père et de l’intelligence qu’en a le Fils ; et cette œuvre n’est ni le Père ni le Fils ; elle leur est bien inférieure : c’est une créature. Me comprenez-vous ?
8. J’en reviens à un ordre de choses qui frappent vos sens : je m’abaisse, et redescends jusqu’à vous, si toutefois je me suis pour quelques instants élevé un peu au-dessus de vous. Tu veux apprendre à ton fils à faire ce que tu fais ; tu commenceras par agir toi-même, et ton enseignement ressortira de ta manière d’agir. Par conséquent, ce que tu feras pour instruire ton fils, tu ne le feras point par son intermédiaire ; tu agiras seul, il te regardera, et alors il agira de la même manière que toi. Il n’en est pas de même ici. Pourquoi vouloir trouver en toi-même un point de ressemblance avec Dieu, en effaçant en toi l’image de Dieu ? Car il n’y a, dans le cas présent, aucune similitude à établir. Une idée se présente à mon esprit : Comment peux-tu, avant d’agir, apprendre à ton enfant la manière dont tu agiras, de façon à te servir de lui pour faire ce que tu fais, et conformément aux leçons que tu lui auras données antérieurement ? La même idée se présente peut-être aussi à toi. La voici, me dis-tu : Mon intention est de bâtir une maison ; je veux que mon fils lui-même la construise. Avant d’entreprendre cette bâtisse, je lui en donne le plan ; alors il se met à l’œuvre, mais, à vrai dire, il me fait l’office d’intermédiaire, puisque je lui ai préalablement fait l’exposé de nues vues. Je le vois, il y a déjà une différence entre cette comparaison et la précédente, mais tu te trouves encore à une grande distance de la vérité. En effet, avant de construire ta maison, tu indiques à ton fils tes intentions, tu lui fais connaître tes projets ta volonté est, par là, de lui apprendre avant d’agir toi-même, à mettre fidèlement tes ordres à exécution, et de travailler ainsi par son intermédiaire ; mais il faut que tu lui adresses la parole, il faut qu’il intervienne entre vous deux une conversation ; pour lui expliquer tes plans et pour qu’il les comprenne, pour lui parler et pour qu’il t’entende, il est nécessaire d’articuler des sons ; or, ces sons n’ont absolument rien de commun ni avec toi ni avec lui : ils s’échappent de tes lèvres, font vibrer l’air, viennent frapper les oreilles de ton fils, et après avoir impressionné chez lui le sens de l’ouïe, lui communiquent ta pensée ; ils sont donc, à vrai dire, étrangers à toi et à lui. Ton intelligence a donné un signe à son intelligence ; mais ce signe n’est ni ton intelligence, ni la sienne : c’est autre chose. Pouvons-nous croire que le Père ait