Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/517

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à notre pensée les images qui sont venues du dehors se graver en elle ! N’en éprouverons-nous pas une plus grande encore à comprendre et à expliquer la manière dont Dieu le Père montre à son Fils des images qu’il n’a point reçues du dehors, mais qu’il trouve en lui, parce qu’elles ne sont autres que lui-même ? Nous ne sommes que des enfants : je vous dis ce que Dieu n’est pas, et je ne vous montre pas ce qu’il est : aussi, pour nous faire une idée de ce qu’il est, quel moyen prendre ? Est-ce à moi qu’il faut s’adresser ? Est-ce par moi que vous y arriverez ? Je vais vous le dire comme à des enfants ; car vous et moi, nous en sommes tous. Nous avons tout à l’heure chanté et entendu chanter ces paroles : « Dépose le fardeau de tes misères dans le sein du Seigneur, et il te nourrira[1] ». O homme, tu es réduit à l’impuissance, puisque tu n’es qu’un enfant : puisque tu es petit, il te faut prendre de la nourriture : avec une alimentation abondante, tu deviendras grand, et ce que tu ne peux voir à cause de ta petitesse, l’élévation de ta taille te permettra de le considérer à loisir ; mais afin de trouver la nourriture qui te fera grandir, « dépose le fardeau de tes misères dans le Seigneur, et il te nourrira ».
12. Maintenant donc, examinons brièvement ce qui reste, et voyez ici comment le Seigneur maous dit ce que j’ai déjà signalé à votre attention : « Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait ». Il ressuscite lui-même les âmes, mais par le Fils, afin que, revenues à la vie, elles entrent en participation de la substance de Dieu, c’est-à-dire, du Père et du Fils. « Et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci ». Plus grandes que quelles autres œuvres ? Que la guérison des corps. Précédemment déjà[2], nous avons parlé sur ce sujet : il est donc inutile de nous y arrêter encore. La résurrection éternelle des corps est évidemment une œuvre plus considérable que la guérison pour le temps de cette vie, opérée en faveur d’un corps malade, « Et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci, et vous en serez dans l’admiration ». – « Il lui montrera », comme d’une manière transitoire, et par conséquent, comme à un homme créé dans le temps ; car le Verbe Dieu, par qui ont été faits tous les temps, n’a pas lui-même été fait ; mais le Christ-homme a été fait dans le temps. Nous savons sous quel consul, et quel jour la Vierge Matie a mis au monde le Christ conçu du Saint-Esprit : le Dieu, par qui tous les temps ont été faits, s’est donc fait homme dans le temps. C’est pourquoi le Père lui montrera, comme dans le temps, des œuvres plus grandes que celles-ci, c’est-à-dire, la résurrection des corps, et ainsi vous serez dans l’admiration de lui voir opérer par son Fils la résurrection des corps.
13. Il en revient ensuite à la résurrection des âmes : « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut », mais selon l’esprit. Le Père vivifie, et le Fils aussi : le Père vivifie ceux qu’il veut, et le Fils pareillement ; et le Père vivifie ceux-là mêmes que vivifie le Fils, parce que toutes choses ont été faites par le Fils. « Comme, en effet, le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut ». Ce passage a trait à la résurrection des âmes. Pour celle des corps, comment le Sauveur en parle-t-il ? Il y revient, et il dit : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Les âmes ressuscitent en entrant en participation de la substance éternelle, immuable, du Père et du Fils : la résurrection des corps est la conséquence du don que le Fils nous a fait de son humanité, dans le temps, et non pas co-éternellement au Père. Aussi, en nous rappelant ce jugement, pour lequel aura lieu la résurrection des corps, il nous dit : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement à son Fils ». Quant à celle des âmes, il s’était exprimé ainsi : « Comme le Père ressuscite les morts « et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut ». Le Père et le Fils y coopèrent donc en même temps. Il n’en est pas de même du retour des corps à la vie ; « car le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement à son Fils, afin que tous

  1. Ps. 54, 23
  2. Trait. 19, n. 4, 5 ; 21, n. 5-10